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L’homme blanc égaré dans un autre monde

Par Pmalgachie @pmalgachie
L’homme blanc égaré dans autre monde Marc Trillard connaît par cœur les failles dans lesquelles l’homme s’engouffre la tête la première, sans calculer les conséquences de ses choix. Il a promené ses personnages un peu partout, cherchant et trouvant dans les chocs culturels le miroir déformant qui les renvoie à une réalité masquée – un peu à la manière d’un Francis Bacon en peinture. Il invente à peine : il s’est lui aussi beaucoup promené dans le monde et y a observé la folie qui gagne souvent l’homme blanc confronté à des civilisations, des situations auxquelles il ne comprend rien. Au Cameroun, voici un directeur d’Alliance française de province, en poste depuis un peu moins de deux ans. Marc, que tout le monde appelle Mike, est une fois encore plongé dans une violence qui semble, ici, participer du quotidien. Et semble aussi un prolongement, certes quelque peu grossi, des heurts fréquents avec les membres de son comité – ils préféraient, à l’évidence, la souplesse de son prédécesseur. « Dans le langage commun et selon l’intensité de l’hostilité qu’on lui manifeste, ce serait : on voudrait ne jamais l’avoir vu débarquer à Buea ; on voudrait le voir démissionner aujourd’hui ; on recevrait comme une vraie bonne nouvelle l’annonce d’une maladie qui le retiendrait durablement alité, non, qui le renverrait en France aussi longtemps que possible, ou mieux, pour toujours et à jamais ; on serait tout près de provoquer cette maladie qui n’arrive pas et Dieu sait si la chose est aisée au pays du poison. » Et puis, il y a celles qui donnent leur titre au roman, Les mamiwatas. « Ces créatures qui vivent indifféremment sous l’eau et sur terre. Ces chimères mi-femme mi… » Leurs pouvoirs sont immenses, et en particulier leurs pouvoirs maléfiques. Marc, esprit rationnel puisqu’occidental, ne devrait rien avoir à en craindre. Sinon que la raison vacille quand les événements semblent donner raison à la croyance locale. Heureusement, à moins que ce soit malheureusement, il y a eu Gloria, la jeune femme qui lui donnait du plaisir et le sentiment d’une toute-puissance compensant, au moins pour partie, les inconvénients de son séjour. Gloria, qui avait d’abord donné Sonia comme prénom. Gloria, dont Marc s’est approché si près qu’il a perdu tout sens critique. Gloria, qui demande seulement le plaisir de sa compagnie, rien d’autre. Mais aussi Gloria en piège glorieux, en filet qui se resserre petit à petit sur sa proie conquise, un Marc incapable de se passer d’elle, incapable de voir ce qu’il n’a pas appris de la vie… Naïf, Marc ? Sans doute. Mais comment en irait-il autrement ? Les codes ne lui ont pas été donnés, dans une société où « le moteur à produire des mensonges » se met en marche pour survivre, ou pour vivre un peu mieux – et ce n’est bien sûr pas un hasard si les émeutes qui ont éclaté sont provoquées par la faim.
Marc Trillard ne rend pas transparent un monde opaque pour l’Européen. Mais il en désigne les zones les plus troubles à ses yeux.

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