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Virginie Despentes, tranches de société

Par Pmalgachie @pmalgachie
Virginie Despentes, tranches société Depuis Baise-moi, il y a un peu plus de vingt ans, Virginie Despentes cultive une noirceur contemporaine dans laquelle bat, parfois souterrainement, le pouls de notre société. Celle-ci n’est pas en très grande forme, la romancière le confirme dans Vernon Subutex, premier épisode d’une trilogie dont le dernier volume reste à paraître. Impossible, par conséquent, de l’aborder sans une grande prudence. Ainsi, par exemple, il serait hasardeux d’anticiper la place que prendra ou non, dans l’avenir, tel ou tel personnage rencontré ici. Ils sont nombreux, très typés pour la plupart – leurs attitudes et opinions sont rarement nuancées –, à entourer, de près ou de loin, le Vernon Subutex du titre qui, malgré son nom de médicament, n’est pas un substitut aux drogues tirées de l’opium. Vernon est disquaire. Plus exactement, il l’a été quand ce métier était encore florissant et qu’une boutique comme Revolver, la sienne pendant plus de vingt ans, représentait pour les fous de musique un lieu de rencontres, d’écoutes inédites, de découvertes. Au temps où les disques n’étaient encore dématérialisés. Revolver a fermé, Vernon n’a pas retrouvé de travail, a perdu les indemnités qui lui permettaient de survivre, a été expulsé de son appartement, a été saisi, a trouvé quelques canapés, et plus si affinités, à squatter chez amis et connaissances, puis c’est la rue. De disquaire à SDF, la dégringolade est rude. Pourtant, Vernon Subutex est assis, sans s’en douter vraiment, sur un trésor : quatre heures d’une auto-interview filmée qu’Alex Beach, chanteur à succès qui vient de mourir, lui a laissée. Il n’a jamais regardé les cassettes, persuadé que le délire habituel de l’artiste populaire devenu incapable d’écrire une chanson en occupe toute la durée. D’autres personnes, au contraire, pour des raisons très diverses, cherchent à mettre la main sur cet enregistrement. Et donc à retrouver Vernon qui a, forcément, disparu des radars après avoir lancé quelques appels au secours sur Facebook. Un réseau devenu un endroit peu recommandable : « Vernon traîne sur son réseau Facebook comme il errerait dans un cimetière, les derniers occupants des lieux sont des zombies furieux, qui vocifèrent comme s’ils étaient des cobayes enfermés dans leurs cellules, écorchés vifs et les plaies passées au gros sel. »
On attendra pour savoir ce que deviennent les cassettes et leur propriétaire aux multiples incarnations dans les deux dernières pages du livre, plus fortes que toutes celles qui les ont précédées. De quoi nourrir quelques regrets. Car, si le découpage en tranches, personnage après personnage, des différentes manières d’envisager le monde, offre quelques moments savoureux, il est aussi très mécanique : une facette, puis une autre, et une autre encore…

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