Québec souhaite bloquer l’accès à 2 200 sites illégaux

Publié le 07 mars 2016 par _nicolas @BranchezVous

Projet de loi 74

Québec

De nouvelles mesures visant à restreindre l'accès aux sites de jeux de hasard et d'argent non autorisés par Loto-Québec pourraient bientôt être imposées auprès des fournisseurs d'accès Internet de la province.

Comme nous le rapportions lors du dépôt du budget provincial en mars 2015, le gouvernement Couillard veut mettre en place des dispositions pour contrer le jeu illégal en ligne. Selon un récent reportage de Radio-Canada, le projet de loi 74 viserait ainsi à bloquer plus de 2 200 sites qui font perdre chaque année des sommes considérables à la société Loto-Québec.

"Loto-Québec estime que c'est un marché d'environ 250 millions de dollars", a déclaré Patrice Lavoie, porte-parole de Loto-Québec. "C'est de l'argent qui ne va pas dans les poches des Québécois. C'est certain qu'advenant l'adoption du projet de loi, ce n'est pas un montant qu'on irait cherche du jour au lendemain. On évalue qu'après la première année d'opération, on irait chercher environ 27 millions de dollars de revenus supplémentaires, donc éventuellement, ce montant sera appelé à croître."

Le gouvernement espère toutefois pouvoir établir des partenariats avec les plus importants acteurs de cette industrie, dont notamment Poker Stars, en échange de redevances. Ces entreprises seraient alors invitées à postuler par le biais d'un appel d'offres afin d'offrir leurs jeux sur la plateforme d'Espace Jeux.

Une liste noire

La seule façon de contrer l'utilisation de Proxy ou VPN dans ce contexte serait pour ces derniers d'empêcher l'accès par cette voie, ou pour le gouvernement d'en interdire l'usage à l'ensemble de la province.

Si le projet de loi 74 est adopté, les fournisseurs d'accès Internet seront alors contraints par le gouvernement de bloquer l'accès à une liste de sites bien précise. L'efficacité d'une telle mesure est toutefois discutable, étant donné la popularité de divers moyens (Proxy ou VPN) permettant de contourner de telles restrictions, rendant anonyme la destination d'un internaute aux yeux de son FAI.

Une situation qui, par exemple, diverge de celle de Netflix. En effet, alors que cette entreprise a tout intérêt de restreindre ses utilisateurs à accéder au catalogue de contenus de leur territoire, des sites comme Poker Stars n'ont aucune raison d'empêcher qui que ce soit de fréquenter leur casino virtuel.

Et la seule façon de contrer l'utilisation de Proxy ou VPN dans ce contexte serait pour ces derniers d'empêcher l'accès par cette voie, ou pour le gouvernement d'en interdire l'usage à l'ensemble de la province.

La neutralité du Net en péril?

"La pratique qui consiste pour les fournisseurs à bloquer l'accès des sites web porte atteinte à la neutralité d'Internet, ce qui, en soi, est inacceptable", a récemment affirmé Philippe Viel, responsable des communications de l'Union des consommateurs, sur son blogue du Huffington Post.

Au cœur du débat, on retrouve la position de Loto-Québec, qui semble chercher à contourner le processus légal en déclarant elle-même ses concurrents comme illégaux, et en imposant des amendes aux fournisseurs d'accès qui ne respecteraient pas sa liste noire plutôt qu'aux entreprises derrière les sites considérés comme illégaux.

"Cette approche proposée dans le projet de loi semble en outre faire fi de la compétence exclusive du CRTC sur les fournisseurs d'accès Internet. La Loi sur les télécommunications interdit aux fournisseurs d'accès de filtrer le contenu. Peu importe comment il présente la chose, le gouvernement du Québec aura bien du mal à justifier comment il peut ordonner à des entreprises de faire quelque chose que les lois émises par l'autorité fédérale compétente en la matière leur interdit", précise Viel.

Une position partagée par le juriste Michæl Geist, qui voit dans cette mesure un dangereux précédent à l'échelle canadienne.

"Les fournisseurs d'accès Internet canadiens bloquent l'accès à des images de pornographie juvénile en vertu de l'initiative Cleanfeed Canada, mais ce blocage n'est pas prescrit par la loi et ne s'applique qu'à des images qui sont illégales d'accès", affirmait-il en mars 2015.

"Une fois que le blocage de sites de jeux de hasard et d'argent sera mandaté, il est facile d'imaginer que le gouvernement pourrait imposer le blocage de sites qui violent le droit d'auteur ou le blocage de sites transactionnels qui ne sont pas bilingues ou qui n'appliquent pas la taxe de vente provinciale."