Jérôme Meizoz, invité de Tulalu!?, au Lausanne-Moudon

Publié le 07 mars 2016 par Francisrichard @francisrichard

Pierre Fankhauser et Jérôme Meizoz

Ce soir, l'association littéraire Tulalu!? reçoit Jérôme Meizoz au Lausanne-Moudon. Les participants ont quelque mérite à être là. Ils ont dû braver les intempéries pour gagner le restaurant mythique de la place du Tunnel, au bout duquel ils ont reçu leur récompense...

L'auteur va bien. C'est visible. Cela va sans dire, mais cela va mieux en lui posant la question rituelle, à laquelle Pierre Fankhauser, l'animateur charismatique de l'association littéraire, n'est pas près de renoncer. S'il le faisait d'ailleurs, d'aucuns, certainement, trouveraient à redire...

Le dernier livre de Jérôme Meizoz s'intitule Haut Val des loups. L'allusion au Val-Lais est claire. S'il restait encore un doute au lecteur, il serait vite levé. Un passage du livre, lu par Jean-Luc Borgeat, dit en effet de ce Haut Val qu'il est "obturé à l'est par un glacier et à l'ouest par un lac"...

Pourquoi Jérôme Meizoz a-t-il écrit ce livre? Parce qu'il a été choqué il y a maintenant vingt-cinq ans par le surgissement de la violence dans son pays qui, en principe, est un Etat de droit, où les  arguments devraient s'échanger par des paroles et non pas des coups être donnés.

Or, à l'époque, un brillant et jeune militant écologique de ses amis a été passé à tabac par trois individus qui l'attendaient à l'extérieur de son chalet. Cette agression a alors marqué les esprits, mais la justice n'a pas été rendue pour autant. L'affaire a été classée sans suite, lui laissant un goût amer.

Jérôme Meizoz s'est promis un jour de ne pas laisser cette affaire tomber dans l'oubli. Son livre n'a pas l'ambition de la résoudre. Il se veut surtout tenue d'une promesse, rupture de l'omerta qui enveloppe cette région clanique, où, à la différence de la Sicile, il n'y a pas de repentis...

Jean-Luc Borgeat lit un passage du "Haut Val des loups"

Jérôme Meizoz n'appartient pas à un clan. Sans en souffrir, il a bien compris que, de ce fait, on ne lui dit pas tout, qu'il est en marge, même s'il est bien de la région. Cette marginalisation, due à son milieu - un milieu de syndicalistes, d'ouvriers, d'employé des CFF -, le prédispose à l'observation.

Dans ce roman inspiré d'un fait réel, l'écrivain, élève de Pierre Bourdieu, observe les structures sociales secrètes de sa région, dominée par ce qu'il appelle le Parti unique et le Quotidien unique. Le "refuge brun", dont l'Eglise s'est faite complice, participe de cette toile de fond valaisanne qu'il tisse. 

Près de vingt-cinq ans ont donc passé. Le narrateur prend de la distance. Il tutoie le jeune homme écolo-spiritualiste qu'il a été. Il le fait tantôt avec nostalgie, tantôt avec ironie. Sans se renier, il se fait volontiers ironique quand il considère sa naïveté d'alors, que l'attentat contre son ami a mise à mal.

Lisant un extrait, dans lequel Jérôme Meizoz se met à la place des paysans du Haut Val, Jean-Luc Borgeat prend naturellement l'accent de là-bas, tant le texte de Jérôme Meizoz l'y invite et lui rappelle qu'ils ont tous deux grandi dans le même village, Vernayaz, près de Martigny, où Jérôme Meizoz est né.

Cet accent, ils le perdent, l'un comme l'autre, une fois franchie la frontière du Valais avec le monde extérieur. Il revient tout naturellement dans leur bouche quand ils y retournent. Jérôme Meizaz, qui l'a quitté pour faire des études, dit joliment de l'accent, quel qu'il soit, que c'est du "temps incorporé"...

Jérôme Meizoz a connu à plusieurs reprises "le sentiment océanique", ce court instant de ravissement devant la nature et la beauté des paysages. Son grand-père, qu'il n'a pas connu, pouvait-il avoir le même rapport que lui avec le monde alentour, lui pour qui, vraisemblablement, il était, avant tout, cadre de vie?

Comme le fait remarquer Jean-Luc Borgeat, peut-être que le grand-père de Jérôme Meizoz aurait eu en l'occurrence la même incrédulité que ces pêcheurs de Bretagne qui virent pour la première fois des touristes entrer dans la mer, cette mer qui, pour eux, était un élément redoutable, cette mer qui prend l'homme...

Francis Richard

Derniers livres de Jérôme Meizoz parus chez Zoé:

Séismes (2013)

Haut Val des loups (2015)