À quelques heures de la célébration de la journée de la femme, elles nous interpellent...
Elles, ce sont plus de 200 lycéennes de Chibok enlevées au Nigéria, évaporées comme une coulée d'éther, il y a bientôt deux ans.
Quel avenir ?
Certaines supputations et éléments de preuve donnent froid dans le dos...
Retour sur des probables événements qui ont irréversiblement changé le cours de leur vie courant Avril 2014...
Plus jamais ça ! Soutien aux familles en ce 08 Mars 2016.
" Do find and bring back our beloved offspring! "En hommage aux lycéennes de Chibok, extraits de " Le Rapt"
Habiba remarqua tout de suite le nouveau venu dans le lot des vendeurs. De petite taille, un brin trapu, il portait un bonnet de laine sombre. Son pantalon jean usagé, ses sandalettes et ses gestes rapides ne devaient pas vraiment le distinguer des autres. En effet, Habiba avait fini par remarquer combien des gens de la même corporation pouvaient finir par se ressembler et se faire facilement identifier. Ainsi, une vendeuse de légumes ressemblait à une autre, comme un élève ressemblait à un autre, du moins du point de vue des profs. Ne généralisaient-ils pas tout le temps, avec ce fameux " Vous les élèves, vous êtes ainsi... " C'était assez farfelu ou rigolo comme thèse, mais c'était bien ainsi.
Samira se dirigea comme une automate vers le nouveau vendeur. Il raflait pas mal de clientes à ses collègues plus anciens, peut-être parce qu'il avait le chic pour parler à ces demoiselles ; flattant leur égo, les appelant " petite maman ou princesse ", chacune avait une impression diffuse d'être courtisée par quelque soupirant attentionné. Il étourdissait Samira de son agréable bourdonnement, un peu comme une abeille butinant une fleur.
Habiba gardait toujours un fond de réserve face à des inconnus, mais il lui fallait vraiment admettre que ce jeune vendeur à l'accent rauque et légèrement chantant, savait s'adresser aux dames. Tout à coup, leurs regards se rencontrèrent. Il y eut une onde de choc.
Habiba eut l'impression de recevoir une décharge de plusieurs milliers de volts dans le corps. En proie à un malaise difficilement explicable, elle réfréna le tremblement de ses jambes et un certain haut-le-cœur.
[...]
Il était bientôt dix heures, lorsqu'une chape de plomb s'abattit sur le lycée. La quiétude ambiante fut brisée par des staccatos d'armes automatiques, de mitrailleuses. Des hurlements et des clameurs désespérés emplirent les environs, cependant qu'un commando armé faisait irruption dans l'enceinte de l'établissement. Le visage encagoulé, l'arme au poing, ils vidèrent les élèves des salles de classes, avant de mettre le feu à l'établissement. Plusieurs membres de l'administration périrent, le corps déchiqueté par des rafales lâchées sur eux à bout portant.
A l'entrée du lycée, d'infortunés vendeurs de sandwichs et autres bricoles, gisaient dans une mare de sang, le regard vitreux. Habiba et Samira furent brutalement empoignées par un bonhomme trapu qui les projeta à l'instar de dizaines d'autres élèves dans une jeep de couleur sombre. Le regard épouvanté d'Habiba accrocha brièvement celui de l'homme. Son cœur faillit lâcher sous le choc. C'était bien lui, elle l'aurait reconnu entre mille. Trapu, le visage encagoulé, l'arme au poing, revêtu d'un tee-shirt noir et d'un pantalon chasseur, le fameux vendeur de sandwich pilotait un rapt d'élèves, dans le plus grand lycée de jeunes filles de la province. Il distribuait sèchement les ordres d'une voix rauque. Son accent avait perdu cette intonation légèrement chantante qui chavirait le cœur de ces jeunes pucelles.
Extraits de "Le Rapt" in Flirt empoisonné
© La Cloche-d'Or éditeur 2016