Lyon et le Rat, c’est une grande histoire d’amour : c’est la ville de mes études, celle où je me suis installée à 18 ans à la sortie du nid familial. La ville de mes premières découvertes culinaires, esthétiques et intellectuelles en solo (mais aussi de mes premiers shoppings ;) )… bref, un vivier de souvenirs dans lequel j’ai adoré me replonger récemment en compagnie du Rat Prof. Le but de notre escapade lyonnaise? La visite du Musée des Confluences, que je lorgnais, étudiante, depuis les quais du Rhône, alors qu’il s’élevait lentement de terre, créature hybride au dos de verre bombé, à mi-chemin entre le vaisseau fantôme wagnérien et la capsule extraterrestre.
Comme pour beaucoup de grands musées, le projet ne s’est pas réalisé sans heurts : un coût impressionnant (presque 300 millions d’euros, quand même), 15 ans de travaux (avec tous les retards et les reports que l’on peut imaginer), et plus récemment, des critiques plutôt piquantes sur les conditions d’embauche du personnel. Quelle que soit la part de vérité dans ces réflexions, le Rat de Musée préfère juger de ce qu’il connaît (un peu) : la muséographie et la médiation!
Nous entamons donc notre parcours par les collections permanentes, divisées en quatre grandes expositions : « Origines, les récits du monde », « Espèces, la maille du vivant », « Sociétés, le théâtre des Hommes » et « Éternités, visions de l’au-delà ». Chaque module se conçoit indépendamment des autres, et on peut donc choisir par lequel débuter. La présentation, originale, se joue des effets de profondeur, offrant parfois l’objet hors de l’écrin de sa vitrine ; la scénographie relaye efficacement le propos, depuis les cloisons percées de minuscules trous séparant les espaces pour « Éternités », jusqu’à la corde déroulée le long du parcours « Espèces », matérialisant les évolutions des êtres vivants et le lien qui les unit. Il serait difficile de vous résumer ici nos presque six heures de visite, mais l’impression générale est celle d’un discours maîtrisé, d’une présentation ludique même si on en regrette parfois la densité quelque peu oppressante dans certains espaces, et surtout d’une collection d’une grande richesse, support et prétexte d’activités de médiation variées.
« Sociétés » est très bien conçu, mais la densité des expôts oblige à une nécessaire sélection : impossible de lire tous les cartels et de regarder toutes les petites vidéos explicatives. Dommage, car elles sont très didactiques, aussi bien compréhensibles par les enfants que par les adultes, et permettent de mieux comprendre les thèmes clés qui sous-tendent l’exposition : la création, l’échange, le commerce, les rapports de force et d’entraide…
Pour « Éternités », outre les traditionnelles momies accompagnées de leur cohorte d’objets funéraires et cultuels, j’ai beaucoup apprécié le grand panneau des Vanités, par Jean-Philippe Aubanel, camaïeu de crânes multicolores devant lequel on s’assoit un moment pour méditer…intéressant mélange d’antique et de contemporain, et parfaitement intégré dans le cheminement, on en redemande!
Nous avons bien sûr profité de notre visite pour découvrir deux des expositions temporaires en présentation, dont les titres nous avaient particulièrement alléchés : « L’Art et la Machine » pour le Rat-Prof, et « La Chambre des Merveilles » pour moi!
Entre compressions de César, voitures accidentées (la Giulietta de Bertrand Lavier), créations volantes de Léonard de Vinci, tableaux de l’ère industrielle ou encore incroyables mécanismes de plusieurs mètres, nous avons beaucoup apprécié « L’Art et la Machine », et avons profité de l’espace audiovisuel aménagé pour revisionner avec bonheur le jubilatoire « Modern Times » de Chaplin.
La Chambre des Merveilles a ravi mon cœur de Rat de Musée (si vous commencez à cerner le personnage, vous comprendrez aisément pourquoi…), avec sa scénographie très originale et la transition opérée, grâce aux tasseaux de bois clair empilés au-dessus de nos têtes à la manière d’une cabane fantastique, entre présentation de musée classique, voire un peu austère, et cabinet de curiosités regorgeant d’objets insolites et de spécimens naturalisés. Au gré de l’ondulant fil conducteur de papillons, on ne peut qu’admirer le travail de mise en scène, qui permet de passer en douceur du scientifique à l’esthétique.
Nous avons conclu cette immersion par un atelier tout public proposant de mieux comprendre la naturalisation telle qu’elle fut inventée, et telle qu’elle est désormais pratiquée dans les institutions modernes. J’avais très envie de tester ce type de médiation en petits groupes, dans la partie « laboratoire » du musée… et mon bilan est assez mitigé. Je n’ai pas compris la nécessité de mobiliser trois médiatrices pour un groupe d’une douzaine de personnes, d’autant que l’activité se résumait en fait à faire palper des spécimens aux divers stades de la naturalisation, ce qui personnellement ne m’a pas vraiment suffi (à en croire les questions des enfants entre 5 et 9 ans avec qui nous avons suivi l’atelier, je n’étais pas seule dans ce cas).
Très bon bilan quand même pour cette institution lyonnaise dans laquelle j’ai déjà hâte de retourner pour en découvrir tous les secrets!
Et vous, avez-vous déjà pénétré dans le « Cristal » ou vagabondé au gré des espaces du « Nuage »? Entre Rhône et Saône, aimeriez-vous vous aussi embarquer pour une après-midi à bord du vaisseau de verre des Confluences?