Les personnes qui me lisent auront remarqué mon emploi courant du pronom « celleux ». D'aucuns me l'ont pointé comme étant une erreur, de frappe ou d'orthographe. Que nenni !
Pour faire court, c'est une contraction des mots « celles » et « ceux ». Ce mot-valise ravit les feignasses du clavier (dont je suis parfois) qui trouvent agrément à écrire un mot plutôt que trois. Plus exactement, « celleux » vient de l'ancien pronom français « icelleux » — lui-même formé des mots « ici » et « elles » et « eux » — qui signifie littéralement : « elles et eux qui sont ici ». « Celleux » est donc la forme moderne de « icelleux », tout comme « celui » est la forme moderne de « icelui » et « celle » de « icelle ».
Et non ! n'en déplaisent à ses détracteurs, ce n'est pas encore une de ces « dangereuses inventions dégenreuses et féministoïdes qui dénaturent notre belle langue » et tentent de faire disparaître le masculin derrière la neutralité d'un « celleux »… Rappelons-leur que le genre neutre n'est pas une invention, puisqu'il existait en latin et s'est maintenu en ancien français (dans la déclinaison des adjectifs, des pronoms et des participes passés). Notre belle langue compte encore quelques restes bien vivaces du genre neutre, comme les pronoms démonstratifs « ceci » et « cela ». Et « celleux ».
Mais comment ça se prononce ? À l'oral, certain·e·s remplacent subrepticement le pronom « celleux » par « celles et ceux » mais il se prononce bel et bien, tout simplement comme le mot « celle » avec un « eux » final : \sɛlœ\.
Il est donc inexact — puisqu'il existe si joli pronom mixte — d'abréger « celles et ceux » par des formes avec séparateur comme « celles-ceux » ou encore « celles/ceux », comme on le voit parfois. Et il est impropre d'employer à la place, comme certain·e·s le préfèrent, « ceusses » qui n'est pas neutre, mais masculin pluriel, donc excluant : c'est un dérivé de « ceux », familier voire péjoratif.
Pour finir, « celleux » permet d'offrir au texte une proximité et une légèreté que n'auront jamais les formulations qu'il remplace, « les gens » ou « les personnes », et surtout une bienveillante inclusivité que n'aura jamais la formulation plus usuelle « celles et ceux ».