Depuis quelques années, les photographes d'origine hongroise bénéficient d'un accueil privilégié au Jeu de Paume à Paris. Après André Kertész présenté en 2010 puis Eva Besnyö en 2012 et Kati Horna en 2014, c'est au tour de François Kollar (Senec, Slovaquie, 1904 (anciennement Szenc, Hongrie) - Créteil, 1979) de connaître une visibilité nouvelle et pour tout dire d'être redécouvert aujourd'hui. A vingt ans le jeune employé des chemins de fer dans son pays natal quitte la Hongrie pour venir vivre à Paris. Il devient alors tourneur sur métaux dans les usines Renault de Boulogne-Billancourt avant d'accéder au métier de photographe professionnel à l'âge de vingt quatre ans après avoir acquis une expérience de chef de studio chez l'imprimeur parisien Draeger.
La France travaille
Quel est donc le statut de cette photographie ? Photo industrielle, reportage, documentaire ? L'artiste photographe Jean-Louis Schoellkop expliquait, pour sa part, les difficultés rencontrées pour photographier le travail : "Moi j'ai essayé dans le temps, mais j'étais bien naïf de photographier le travail..... Seulement çà ne veut rien dire, parce qu'on arrive tout juste à photographier des gestes, mais le travail ce n'est pas un geste, c'est plutôt la répétition du geste et çà on y arrive pas. C'est sûr qu'on fixe quelque chose mais on ne peut photographier la répétition d'un geste toute la journée pendant huit heures et cinq jours par semaine, on ne peut pas photographier le bruit, les odeurs, on ne peut pas photographier un tas de choses".
"Les Temps modernes" de Chaplin s'ouvrent sur cette sentence : "Les Temps modernes : une histoire d’industrie, d’entreprise individuelle – l’humanité en croisade à la poursuite du bonheur”.
Neutralité documentaire
Les photographies de François Kollar apparaissent bien éloignées du regard caustique du cinéaste. Elles ne rejoignent pas non plus l'éclairage des "gueules" filmées par Eisenstein dans "La Grève". Cette forme de neutralité documentaire caractéristique chez François Kollar peut difficilement être assimilée à une objectivité. Le monde que restitue le photographe ne connaît pas les tensions dues aux conditions de travail, conditions physiques ou sociales. L'univers du travail, du paysan dans son champ à la chaine industrielle, semble appréhendé avec la même distance quelles que soient les contraintes de chacune des tâches. Kollar est loin d'un Cartier-Bresson pour qui « Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'œil et le cœur » .
Photos François Kollar
François Kollar Un ouvrier du regard Du 09 février au 22 mai 2016Jeu de Paume
Paris