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Les petites filles par Souslespavéslapage

Par Livresque Du Noir @LivresqueduNoir
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J’ai marché sur la grande muraille et je me suis demandé si l’on pouvait m’apercevoir depuis la lune. J’ai franchi les portes de la cité interdite et j’ai frôlé ce sol séculaire que des dynasties entières ont arpenté.J’ai vu les fiers guerriers d’argile ensevelis pour leur empereur. J’ai vu, dans les yeux des chinois, cette inertie farouche cachée derrière un semblant de soumission. J’ai vu les montagnes et les rizières apparaître à travers une vitre de train, lorsque les premiers rayons du soleil que l’on croirait presque différent du nôtre tant il éclaire un monde si dissemblable, se jetaient avec empressement sur cette terre étrange et splendide. J’ai vu tant de choses… et pourtant je n’ai rien vu.

Mon regard était sans doute trop jeune. Je me gorgeais d’images sans en comprendre le sens. Je ne comprenais pas que ces quelques enfants aux pantalons fendus que je croisais étaient le fruit d’une politique austère. Je ne percevais pas ces rues nettoyées de toute pauvreté afin de tromper l’œil des milliers de touristes attirés par des jeux olympiques symbolisant un monde uni.

Chine aux mille visages, contrastée et belle à couper le souffle. Les bidonvilles et les buildings côtes à côtes comme deux univers se chevauchant ou se dévorant.

Julie Ewa, de sa plume discrète, a su mettre en exergue ce choc des cultures. Les Starbucks voisinent avec de simples hameaux où l’électricité et l’eau courante ont extirpé leurs habitants de leur autarcie depuis peu. Le thème est lourd du poids des traditions ancestrales et emmène sur les chemins escarpés de la valeur de la femme et des enfants selon l’endroit où ils naissent.

Second roman de cette jeune auteure alsacienne, le dépaysement est total et embarque dès les premières pages. Écrit en deux temps, le lecteur suit l’intrigue à travers les années et les yeux de deux femmes que tout sépare. Époque, éducation, culture… la française libérée croise le chemin de la chinoise entravée et l’impact de cette confrontation est un des points les plus puissants de ce roman à multiples facettes.

Julie Ewa pose le doigt sur des thèmes aussi importants que cette politique de l’enfant unique et des conséquences désastreuses pour les petites filles, sur l’exponentielle surpopulation mondiale amenant l’Homme à réfléchir sur son propre devenir, sur cette liberté relative et parfois discutable de l’enfantement poussant les humains à se multiplier coûte que coûte afin de laisser une trace de leur passage sur cette terre.

Les réflexions sont si vastes pendant cette lecture qu’elles font oublier les quelques petites maladresses du récit telle une scène d’amour digne d’une collection rose. Julie Ewa a à peine 25 ans et son âge seul fait pardonner les défauts qu’on retiendrait bien plus venant d’une auteure chevronnée.

La construction du récit est intelligente et plutôt addictive grâce à ses chapitres très courts. Lecture sans temps morts, Albin Michel a eu le nez fin de faire entrer cette jeune auteure prometteuse au sein de sa prestigieuse collection. Si le talent de Julie Ewa s’accroit avec le temps, ce dont je suis certaine, il faudra s’attendre à des romans de belle qualité d’une jeune femme très engagée.


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