Comme souvent, la seule ligne de défense d'un gouvernement critiqué pour sa politique ou l'une de ses dernières lois est de plaider l'incompréhension. Citoyens, militants, éditocrates et autres élus n'auraient pas compris de quoi la politique hollandiste est le nom. L'argument, utilisé à droite comme à gauche, est symptomatique d'une époque où la sur-communication cache mal le vide et les trahisons politiques.
Revue de ces incompréhensions.
La chute ordinaire
Sa cote sondagière est encore au plus bas. Même Manuel Valls dévisse. Hollande est plus impopulaire que Sarkozy en son temps. Semaine classique. A Calais, quelques bulldozers détruisent une " jungle" de campements insalubres de migrants désespérés de ne pouvoir rejoindre le Royaume Uni. Neuf Iraniens s'affichent devant les photographes la bouche cousue de fil pour protester.
Le trop jeune ministre de l'économie Macron menace nos voisins britanniques de laisser passer les milliers des clandestins si le Royaume Uni se décidait à quitter l'Union Européenne. Son collègue Cazeneuve s'agace: " le ministre de l'économie, qui fait un travail absolument remarquable dans son domaine de compétences, qui a beaucoup à faire pour la croissance et relever le pays (...), se consacre entièrement à sa tâche comme moi je me consacre entièrement à la mienne."
Vendredi, déjeuner Hollande/Merkel avec au menu, les migrants. Hollande promet d'en accueillir quelque 30.000. Il faudra faire oeuvre de séduction. Car la France repousse et dégoute. Les migrants passent mais ne s'arrêtent pas. Quelque 130 000 migrants ont afflué en Europe depuis début janvier. Mais les restrictions aux frontières récemment décidées en cascade par la plupart des membres de l'UE pont détruit ce qu'il reste de politique dans ce marché commun.
"
On avait mal compris. La loi El Khomri n'était pas cette caricature néo-libérale que les syndicats pourtant unanimes et les associations étudiantes, mobilisés pour des grèves et des manifestations à la fin du mois de mars, ont décrite. Et bien sûr, la pétition en ligne lancée il y a 10 jours contre le texte par des socialistes opposants, qui a franchi cette semaine le seuil du million de signatures électroniques, est bidonnée, manipulée et factice. Les ultra-partisans d'un Hollande aux aboies font feu de tout bois pour renverser une vapeur qui leur a déjà brûlé le visage. Il faut lever un certain nombre d'incompréhensions, il faut expliquer, répondre à toute une série de fausses informations qui sont données sur ce texte" crie Manuel Valls, ce 29 février 2016, en une du site gouvernement.fr
Oui, il faut lever un certain nombre d'incompréhensions.Ces dernières sont légions, c'est une mauvaise histoire, la loi sur le travail n'en est que l'épisode le plus récent et sans doute pas le dernier. Il faudrait " lever les incompréhensions", elles sont nombreuses, et depuis longtemps: d'abord l'ANI, un accord interprofessionnel de janvier 2013 que le gouvernement se dépêcha de dupliquer dans la loi, qui prévoyait déjà l'amendement de nos contrats de travail par simple accord collectif d'entreprise; et l'accélération de l'exécution des plans sociaux dans les PME.
Levons donc les "incompréhensions" sur le CICE puis le Pacte irresponsable. Deux mesures d'exonérations inédites de cotisations sociales pour les entreprises, sans aucune contrepartie ni même un quelconque ciblage sur les entreprises exposées à la concurrence internationale. Un vrai cadeau, un vrai fiasco, un piège à cons. Une honte quand on sait qu'il s'est accompagné d' un gel des prestations sociales et du SMIC pour une efficacité en termes d'embauches quasi-nulle.
Levons ensuite les "incompréhensions" sur la réforme des retraites de 2013. Qu'avait-il fallu couiner contre la réforme des retraites de Sarkozy de 2010 pour faire la même ou presque trois ans plus tard. Comme avec la droite, la réforme Hollande cumule les inconvénients de tous les systèmes européens: un report de l'âge légal ET l'exigence d'une durée de cotisations retraite consécutives inatteignables en ces temps de chômage massif. Cette mauvaise réforme de 2014 effaça les bénéfices politiques d'un petit amendement de juin 2012 dans lequel Hollande réparait une une injustice - le retour à la retraite à 60 ans pour les carrières longues. En 2015, le chômage des seniors a encore augmenté. Transformer des retraités en chômeurs, quelle brillante idée !
Levons aussi les "incompréhensions" sur la politique sécuritaire de François Hollande.
A force de critiquer la loi sur le renseignement et autres dérives de l'état d'urgence indéfinie, on a presque oublié que l'équipe Hollande n'a rien supprimé ou si peu des délires boulimiques sécuritaires du monarque précédent. Malgré les efforts d'une Taubira caricaturée par la droite furibarde, malgré la suppression des peines planchers, l'ancienne Garde des Sceaux n'est pas parvenue à faire sa réforme de la justice des mineurs, ni supprimer la Cour de justice de la République ni réformer le statut pénal du chef de l'Etat.
L'extension constitutionnelle de la déchéance de nationalité et de l'état d'urgence ont détruit ce qu'il restait de gauche symbolique dans ce gouvernement. Les "hystéros de l'antiterro", comme les appelle le nouveau média en ligne "Les Jours", s'en sont ensuite donnés à cœur joie sur le texte.
"9 français sur 10 trouvent le camouflage forêt des militaires "un peu trop voyant" en pleine ville" Le Gorafi, 4 mars 2016
Dans cette séquence sur les "incompréhensions" d'un mandat dévasté, on pourrait aussi citer la loi Macron, la déchéance de nationalité, et, last but not least, cette réforme du code du travail qui " descend" les négociations sur le temps de travail à l'échelon où les salariés sont les plus fragiles, leur propre entreprise. Qu'un gouvernement dit de gauche n'ose comprendre, avouer, ni reconnaître que la négociation intra-entreprise est moins favorable pour les salariés que la négociation par branche ou sectorielle est stupéfiant d'hypocrisie ou d'ignorance de la vie en entreprise. Réduction des congés, report du règlement des heures supplémentaires, etc... la nausée est proche.
Mardi, la ministre du travail tombe, se blesse et s'absente. La presse est en émoi, mais il ne s'agissait rien d'autre que d'un accident bénin, domestique, privé. La ministre revient, explique qu'elle " ira jusqu'au bout". On a peur de comprendre pour elle, à son insu, à quoi ce "bout" ressemble. Une impasse politique.
Le gouvernement recule, il reporte de 15 jours l'examen de la loi. Il serait urgent désormais d'organiser des "rencontres bilatérales" avec les organisations syndicales et professionnelles, " autour du Premier ministre, de la ministre du Travail et du ministre de l'Economie." Quelle surprise ! La trouille est là, bien là. Une pétition, des sondages désastreux, la menace d'une grève, la mobilisation des syndicats étudiants, et voici la trouille qui saisit le sommet de l'Etat.
Dernières trahisons
Depuis le début de cette affaire, Valls est passé en force. Hollande s'est tu, indifférent ou incohérent, ou ignorant. Mêmes les spécialistes du Parti socialiste ont déploré de n'avoir été consultés sur ce projet de loi. Quelques ajouts, détestables, ont été réalisés à la dernière minute avant sa présentation au Conseil d'Etat. Mais maintenant, cette semaine, il faut "négocier" et défendre. Une trentaine d'économistes, dont un Prix Nobel, se fendent d' une tribune dans le Monde, au secours du texte de loi. Ils répètent des arguments entendus dans la bouche d'Emmanuel Macron: " par crainte d'embaucher en CDI, les entreprises ont massivement recours au CDD, bien au-delà des cas prévus par la loi" écrivent-ils. Cette loi permettrait de revaloriser le CDI et d'inciter les employeurs à préférer recruter à durée indéterminée. Par quel miracle ? Ayez confiance ! Comme avec le million d'embauches promis du Pacte irresponsable, il faut prier, prier pour que "la main invisible du marché", le " patriotisme de nos entreprises nationales" et autres billevesées de l'argumentation libérale fassent leur effet. En 2014, Hollande expliquait déjà qu'il fallait réduire, sans contre-partie, le coût du travail par le biais d'exonérations de cotisations sociales massives, afin que les entreprises créent alors ces millions d'emplois manquants. Avec la loi El Khomri, les entreprises " rassurées" de pouvoir licencier, aménager, " moderniser", embaucheront, bien sûr et naturellement, en CDI et en grand nombre. La ficelle est si grosse qu'elle est devenu cordage.
Un député socialiste rend sa carte, et son mandat. Il ne se représentera pas l'an prochain. Il n'en peut plus. Il pense même que les partis sont devenus inutiles et dangereux. Pouria Amirshahi illustre une époque incomprise par les dinosaures, jeunes ou vieux, qui nous dirigent.
Incomprise, la politique écolo de ce gouvernement semble l'être également. Mardi, un amendement du gouvernement à la loi sur la Biodiversité tentait de limiter l'application du principe pollueur/payeur en exonérant les pollueurs de toute responsabilité s'ils avaient agi en respectant la loi. Emoi chez les écolos, branle-base-de-combat au gouvernement. La toute récente nommée ministre Barbara Pompili fait retirer l'amendement et s'excuse: "Cet amendement a manifestement été rédigé un peu vite et il a suscité des incompréhensions".
Que d'incompréhensions !
Autre sujet, l'Agence de sûreté nucléaire soutient le maintien de la vieillissante centrale de Fessenheim. La ministre allemande de l'environnement en réclame la fermeture. On se souvient que le candidat Hollande de 2012, si soucieux de rallier le vote écologiste autour de lui, nous avait promis son démantèlement. Depuis 2012, on attend le début du commencement d'une mise en oeuvre. La vétusté du parc nucléaire français inquiète jusqu'à nos voisins européens. Le 2 mars, la Suisse a porté plainte contre la centrale du Bugey. Le mythe d'une électricité nucléaire française bon marché a vécu. On sait que les générations futures vont devoir payer cher, très cher, le démantèlement d'une filière vieillissante et dangereuse. Et voici que Ségolène Royal, ministre d'une écologie hollandiste défaillante, a décidé de prolonger leur vie d'une dizaine d'années supplémentaires. Au risque de contredire sa propre loi sur la Transition énergétique qui prévoyait de réduire la part de l'électricité nucléaire française. La ministre s'en défend. Les anti-nucléaires hurlent. La jeune Pompili applaudit sa nouvelle tutelle: réduire la part du nucléaire ? " On ne peut pas le faire sans prolonger la durée de vie des centrales".
Hollande paiera sans doute de quelques milliers de désertions supplémentaires dans les urnes en 2017 ces trahisons écologistes de fin de mandat.
Le faux blog de Le Pen
Ils se pressent tous au Salon de l'Agriculture, tous sauf un, Jean-Luc Mélenchon qui préfère visiter une crèmerie en Ille-et-Vilaine - " je me suis trouvé comme un poisson dans l'eau".
"Tous ces politiques qui défilent au cul des mêmes vaches, ça vire à la comédie". Jean-Luc Mélenchon.
Hollande l'a inauguré, sous les huées, la semaine précédente. Valls se prend quelques opposants. Stéphane Le Foll, ministre en charge de la dite filière, se fait instagramer en discussion calme avec des agriculteurs calmes. La com" sur les réseaux sociaux est parfois si artificielle.
Marine Le Pen préfère soigne son passage. Le FN a redressé son image dans le milieu, il ne faut pas gâcher ...
La président du mouvement bleu-marine s'est lancé dans le blogage intime et instagramé. Elle a du chemin à faire pour redresser son image. Comme Sarkozy, mais en plus violent, elle clive contre elle une fraction majoritaire de l'opinion. Sur son blog perso, alimenté par quelques petites mains militantes toutes entières dévouées, Le Pen se confie à la première personne. Elle n'évite pas
L'url du blog a été déposé par le Front national. L'administrateur du site est le webmaster du FN, ne vous y trompez pas. L'affaire est aussi personnel qu' un spot de pub pour lessive peut incarner la caricature de ménagère qui y figure.
2017 se prépare bien. Hollande et Valls défoncent à la hâte et à la hache ce qu'il reste d'espoir d'égalité sociale et de tradition socialiste. Le Pen n'a même plus besoin de parler. D'autres labourent à sa place.
Merci.