Pythagore (-580/-495)

Par Helmous

Buste de Pythagore - Musées du Capitole - Rome

Pythagore est un philosophe, mathématicien et scientifique qui serait né aux environs de 580 avJC à Samos, une île de la mer Égée au Sud-Est de la ville d'Athènes et mort vers 495 avJC. Le nom de Pythagore ou Pyth-agore, étymologiquement « celui qui a été annoncé par la Pythie », découle de l'annonce de sa naissance faite à son père lors d'un voyage à Delphes.
La vie énigmatique de Pythagore permet difficilement d'éclaircir l'histoire de ce réformateur religieux, mathématicien, philosophe et thaumaturge. Pythagore naquit à Samos mais s'enfuit de son île pour se soustraire au tyran Polycrate qui y régnait. Il s'établit dans la colonie grecque de Crotone, dans le sud de l'Italie. Là, il fonda une communauté religieuse qui obéissait à des règles diététiques strictes et à d'autres formes d'autodiscipline. 
Nous ne connaissons son enseignement que par ses élèves, dont beaucoup étaient des femmes, y compris son épouse Théanô et ses filles. Il semble avoir enseigné qu'il y avait un cycle de réincarnation et que par l'étude et par une vie droite chacun peut atteindre un état qui permet à l'âme d'échapper au cycle et de rejoindre l'âme du monde.
En mathématiques, c'est probablement lui qui démontra le théorème qui porte son nom: "Dans un triangle rectangle, le carré de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés." Le fait lui-même était connu empiriquement depuis des siècles, toutefois, l'école de Pythagore a peut-être été la première à donner une preuve du théorème. La légende rapporte que Pythagore en fut si fier qu'il sacrifia aux dieux une hécatombe, c'est-à-dire 100 boeufs. 
En astronomie, on lui attribue la découverte qu'Hespérus et Phosphorus (l'étoile du matin et l'étoile du soir) étaient la même chose, connue aujourd'hui sous le nom de planète Vénus. Et, en acoustique, il établit les rapports mathématiques auxquels obéissent les intervalles dans l'échelle des sons. Cette dernière découverte est peut-être la plus importante, car elle conduisit Pythagore à l'idée que l'Univers dans son ensemble pouvait être expliqué mathématiquement. C'était un grand progrès par rapport aux Milésiens. Au lieu de rechercher un élément premier hypothétique, que ce soit le feu, l'eau ou l'illimité, les pythagoriciens s'efforçaient d'expliquer le monde mathématiquement. Cela traça la voie de la science en général et influença toute une série de savants et de philosophes, principalement Platon puis Galilée.
Le néopythagorisme est empreint d'une mystique des nombres, déjà présente dans la pensée de Pythagore. Hérodote le mentionne comme « l'un des plus grands esprits de la Grèce, le sage Pythagore ». Il conserve encore aujourd'hui un grand prestige à tel point que Hegel disait qu'il était « le premier maître universel ».
Pythagore serait le premier penseur grec à s’être qualifié lui-même de "philosophe". Cicéron évoque l'anecdote célèbre sur la création du mot " philosophe ", " amoureux de la sagesse ", par Pythagore :
"Par la même raison, sans doute, tous ceux qui se sont attachés depuis aux sciences contemplatives, ont été tenus pour Sages, et ont été nommés tels, jusques au temps de Pythagore, qui mit le premier en vogue le nom de philosophes. Héraclide de Pont, disciple de Platon, et très habile homme lui-même, en raconte ainsi l'histoire. Un jour, dit-il, Léon, roi des Phliasiens, entendit Pythagore discourir sur certains points avec tant de savoir et d'éloquence, que ce prince, saisi d'admiration, lui demanda quel était donc l'art, dont il faisait profession? A quoi Pythagore répondit, qu'il n'en savait aucun; mais qu'il était philosophe. Et sur ce, le roi, surpris de la nouveauté de ce nom, le pria de lui dire qui étaient donc les philosophes, et en quoi ils différaient des autres hommes."
Cicéron,Tusculanes
L'âme, la transmigration des âmes
Pour Pythagore, le corps (sôma) est un tombeau (sêma), à la fois prison et "signe" ou "protection" de l'âme. Philolaos : "Les anciens théologiens et devins témoignent eux aussi que c'est en punition de certaines fautes que l'âme a été attelée au corps et ensevelie en lui comme un tombeau." L'âme est un nombre, en ce sens qu'elle est harmonie, bonne proportion, combinaison des propriétés composant le corps (c'est la théorie du pythagoricien Simmias dans le Phédon, de Platon). Elle est vie, car mouvement.
Pythagore pensait "que l'âme est immortelle ; ensuite, qu'elle passe dans d'autres espèces animales ; en outre, qu'à des périodes déterminées ce qui a été renaît, que rien n'est absolument nouveau, qu'il faut reconnaître la même espèce à tous les êtres qui reçoivent la vie." A beaucoup de ceux qui l'abordaient il rappelait la vie antérieure que leur âme avait jadis vécue avant d'être enchaînée à leur corps actuel. Et lui-même, par des preuves irrécusables, démontrait qu'il réincarnait Euphorbe, fils de Panthoos.
L'intervalle entre incarnations serait 216 ans (6 au cube). Et l'explication vient de la nature de l'âme : il y a transmigration de l'âme parce que, par nature, elle est immortelle et mouvante, Pythagore ne fait pas intervenir la justice divine, une rétribution de l'âme, puisque n'importe quelle âme peut entrer dans n'importe quel corps. D'où vient à Pythagore sa théorie de la transmigration des âmes ? d'Orphée ? de Phérécyde de Syros ? depuis l'Inde ? On l'ignore.
La communauté pythagoricienne
L'école pythagoricienne de Crotone devint par la suite une hétairie (confrérie) politique de courant aristocratique. Il s'agit d'une fraternité philosophique, religieuse et scientifique, proche de l'orphisme. On dirait aujourd'hui un Ordre, au sens où la Franc-maçonnerie un un Ordre.
La communauté s'échelonne sur quatre degrés initiatiques et hiérarchiques, comme dans de nombreuses organisations initiatiques. Les femmes et les étrangers sont admis. Les profanes sont "les gens du dehors", les gens du commun, auxquels rien n'est révélé.
Premier degré : les postulants
Pythagore observe, chez ceux qui se présentent comme candidats, les traits du visage (physiognomonie) et les gestes (kinésique), mais aussi les relations avec les parents, le rire, les désirs, les fréquentations. On est admis ou pas.
Deuxième degré : les néophytes
Leur période de probation dure trois ans, pendant laquelle Pythagore examine la persévérance, le désir d'apprendre. Au terme ils sont refusés ou acceptés. Acceptés, ils prononcent le serment de silence : "Non, par celui (Pythagore) qui a trouvé la tétraktys de notre sagesse, source qui contient en elle les racines de la nature éternelle."
Troisième degré : les acousmaticiens
Les acousmaticiens (auditeurs), reçoivent un enseignement de cinq ans, donné sous forme de préceptes oraux, sans démonstration, destinés à être gardés en mémoire ; par exemple : "Ne pas avoir sur les dieux des opinions ou des paroles hâtives." Ces cinq ans sont cinq ans de silence. Les auditeurs sont devant le rideau derrière lequel Pythagore se dissimule. Ils mettent leurs biens en commun. Postulants, néophytes et auditeurs forment le grade des "exotériques" ou novices.
Quatrième et dernier degré : les mathématiciens
Les mathématiciens ("savants") ou sindonites (habillés de lin). Ils devenaient des ésotériques, dans la mesure où ils accèdent à la connaissance intérieure, cachée. Ils sont admis à voir Pythagore derrière son rideau. Lui-même enseigne sous forme de "symboles" au sens de formules codées, qui sont démontrées.
On voit une division des ésotériques en "vénérables" , "politiques" et "contemplatifs".
Les vénérables ou pieux s'occupent de religion. Les politiques s'intéressent aux lois, aux affaires humaines, tant dans la communauté pythagoricienne que dans la cité. Les contemplatifs étudient arithmétique, musique, géométrie, astronomie : les quatre sciences selon Archytas, qui formeront le quadrivium du Moyen Âge. Il faudrait ajouter les physiciens ou naturalistes, qui se penchent sur les sciences concrètes : géographie, météorologie, médecine, mécanique... mais aussi grammaire, poésie...
De nombreuses règles, pour ne pas dire tabous, s'imposent à celui qui adopte "la vie pythagorique".
* règles diététiques (du pur végétarisme au végétarisme sélectif) : interdiction de manger du rouget, le cœur, le cerveau, la moelle, les fèves, les œufs... bref tout ce qui symbolise la vie. La consommation de la chair des animaux sacrifiés semble autorisée par certains pythagoriciens, sans doute par concession à la religion officielle.
* rites religieux : sacrifices non sanglants et sans feu,  honorer les dieux, éviter bouchers et chasseurs, culte  aux dieux farine, miel, fruits, fleurs et autres produits de la terre, purifications, ablutions et aspersions et onctions lustrales...
* exercices spirituels : respect de soi-même, examen de conscience chaque soir, continence sexuelle, exercer sa mémoire, chanter en s'accompagnant de la lyre, lire des livres édifiants ensemble...
* exercices physiques : gymnastique, athlétisme, promenade à deux ou trois, danse...
*objets sacrés : vêtements blancs de lin (mais pas de laine, animale), signes de reconnaissance (le pentagramme), symboles (la tétraktys)..

Pentagramme


L'enseignement de Pythagore
Pythagore pense que le monde doit être compris par le nombres. Il dispense des principes exotériques, connus de tous, par exemple : "Il est interdit de prier pour soi-même", "Entre amis, tout est commun". Mais d'autres enseignements sont ésotériques, c'est-à-dire réservés aux initiés et d'expression symbolique, qui portent ur les secrets de la nature et des dieux. Ces enseignements secrets sont appelés Mémoires, car il faut s'en souvenir, sans les écrire. Ce sont, d'une part, les "acousmates", des dits (prononcés en grec dorien, la langue des pythagoriciens), des préceptes oraux ; ce sont, d'autre part, les « symboles », des formules codées, des sommaires. Car "tout ne peut pas être dit à tout le monde."
Jamblique classe les acousmates en trois types, selon qu'ils révèlent l'essence ("qu'est-ce ?", l'absolu ("qu'est-ce qui est le plus ?") ou le devoir ("que faut-il faire ou pas ?").
* "Qu'est-ce que les Îles des bienheureux ? - Le Soleil et la Lune. "
* "Qu'est-ce que l'oracle de Delphes ? - La tétraktys."
* "Qu'est-ce qui est le plus juste ? - Offrir un sacrifice" (de soi, autrement dit "savoir renoncer à quelque chose pour avancer").
* "Qu'y a-t-il de plus savant ? - Le nombre."
* "Ne pas aider à décharger un fardeau. - Il ne faut pas encourager le manque d'effort."
* "Suis dieu" . C'est la devise du pythagorisme.
En plus des acousmates, préceptes abstraits, il existe une autre catégorie de préceptes, les symboles, qui sont des préceptes pratiques imagés. Les profanes y voient des superstitions ou des bêtises, mais les initiés savent y déchiffrer une idée ou un acte.
* "Ne pas passer par-dessus une balance." Autrement dit : "Pratiquer tous les actes justes ", ou "ne pas chercher plus que sa part ", et non éviter de façon superstitieuse de passer au-dessus d'une balance.
* "Ne pas manger le coeur". Éviter la chair crue, ou "ne pas se ronger de chagrin".
En plus, il y a les "symboles secrets" ou "signes de reconnaissance", qui permettaient aux pythagoriciens initiés de se reconnaître entre eux. Les plus célèbres symboles secrets sont le fameux pentagramme à 5 branches et 5 côtés et la tétraktys.

Tétraktys, Alchimie et Ourobouros


La richesse des travaux entrepris par l'école pythagoricienne a été telle que ses idées et découvertes ont inspiré nombre de courants de pensée. Pythagore a influencé toutes les époques et toutes les cultures d'Occident et d'Orient, toutes les disciplines : mathématiques, musique, philosophie, astronomie, etc. Son encyclopédisme en fait une pensée totale, avec interpénétrations et ramifications.
En art, Pythagore inspire l'architecte romain Vitruve au Ier siècle puis les théoriciens du nombre d'or comme Luca Pacioli illustré par Léonard de Vinci en 1509. Les écoliers qui étudient le théorème de Pythagore ou apprennent la table de multiplication s'inscrivent dans sa lignée.

Léonard de Vinci - Proportion de l'homme (détail) - 1492 - Venise, Galerie de l'Académie


Pythagore a fondé une véritable religion, et quantité de légendes. Dans le domaine ésotérique et initiatique, son œuvre continue. Dès 1410, le manuscrit Cooke (ligne 216), un document de base de la franc-maçonnerie opérative, mentionne Hermès et "Pictagoras". Des loges franc-maçonniques se réclament de la pensée pythagoricienne. 

Etoiles flamboyantes - Symboles maçonniques à partir du pentagramme


Citations de Pythagore
"Les deux mots les plus brefs et les plus anciens, oui et non, sont ceux qui exigent le plus de réflexion.
"Le commencement est la moitié de tout.
"Délaisse les grandes routes, prends les sentiers.
"Ne dis pas peu de choses en beaucoup de mots, mais dis beaucoup de choses en peu de mots."
"Dans le doute abstiens-toi."
"Qui parle sème ; qui écoute récolte."
"Il vaut mieux se faire aimer que se faire craindre."
"Un ami, c'est un autre moi."
"Le possible n'est pas loin du nécessaire."
"Toute chose est nombre."
"Il y a un principe bon qui crée l'ordre, la lumière et l'homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme."
"Les maux qui dévorent les hommes sont le fruit de leurs choix ; et ces malheureux cherchent loin d'eux les biens dont ils portent la source."
"Ne commence rien dont tu puisses te repentir dans la suite. Garde-toi d'entreprendre ce que tu ne sais pas faire, et commence par t'instruire de ce que tu dois savoir. C'est ainsi que tu mèneras une vie délicieuse."

Extrait de Les vers dorés
"Les nombres gouvernent le monde."
"Le monde est une comédie dont les philosophes sont les spectateurs."
"Repose-toi d'avoir bien fait, et laisse les autres dire de toi ce qu'ils veulent."
"La raison est immortelle, tout le reste est mortel."
"Un homme n'est jamais si grand que lorsqu'il est à genoux pour aider un enfant."
"Il n'existe que cinq choses contre lesquelles il faut se battre : les maladies et les passions du corps, l'ignorance, les guerres civiles et les disputes de famille."
"Une pensée est une idée de passage."
"Aucun homme n'est libre s'il ne sait pas se contrôler."
"Choisis toujours le chemin qui semble le meilleur même s'il paraît plus difficile : l'habitude le rendra bientôt agréable."
"Tant que les hommes massacreront les Bêtes, ils s'entre-tueront."

Extrait de Vers d'or
"N'entretenez pas de votre bonheur un homme moins heureux que vous."