Synopsis: Lors d’un repas de famille, Cédric, la trentaine, vivant toujours chez ses parents, apprend que sa soeur attend un enfant. Alors que tout le monde se réjouit de cette nouvelle, elle provoque chez lui un ressentiment qui va se transformer en fureur. Il tente alors d’établir, aux yeux des autres, le préjudice dont il se sent victime depuis toujours. Entre non-dits et paranoïa, révolte et faux-semblants, jusqu’où une famille peut-elle aller pour préserver son équilibre ?
Préjudice est un film belgo néerlando-luxembourgeois qui réunit à l'écran Nathalie Baye (Juste la fin du monde, La volante ) en mère superbe, Thomas Blanchard que l'on a pu voir dans Caprice ou 2 automnes 3 hivers, et Ariane Labed, épouse du réalisateur grec Yorgos Lanthimos que l'on a récemment aperçu dans Lobster. Un premier film tout en finesse qui laisse envisager un bel avenir pour Antoine Cuypers (A New Old Story,Que la suite soit douce) qui signe un scénario atypique aussi rude qu'émouvant. Le film se déroule le long d'une soirée humide dans la maison qui accueillera tous les membres de cette famille au cœur d'un conflit profondément intime. Thomas Blanchard interprète Cédric, un homme d'une trentaine d'années, timides introverti qui vit chez ses parents alors qu'il projette fortement l'idée de partir faire un voyage en Autriche. Sans cesse mis à l'écart, il est paradoxalement le centre de l'attention et se démarque des autres personnages. Il apparaît comme quelqu'un d’extrêmement fragile et se singularise notamment grâce à la musique sentencieuse qui l'accompagne.Pleine de cuivres et de percussions, elle résonne sur chaque regard, chaque silence donnant presque au film un côté psychologique à la limite du thriller.
Peu à peu, le film s'engouffre dans les angoisses de cette famille qui semble, au premier abord, tout à fait « normale ». Et la normalité est un sujet central dans le film. Elle est notamment questionnée avec le personnage de Cédric qui se confronte à sa sœur accentuant la comparaison entre eux deux et appuyant sur la différence de ce dernier. En guise d'arbitres, la mère (Nathalie Baye) tentant bien que mal de gérer la situation entre épuisement et dégout qui elle-même n'arrive pas à s'appuyer sur son mari (joué par Arno,La maison de la radio,J'ai toujours rêvé d'être un gangster) épuisé qui aura fini par céder à son fils, l'amour qu'il lui doit.Ce premier film touche son spectateur, le bouleverse et arrive même à brouiller toutes les bases normatives du « bien » et du « mal » ; en effet, de par la forme huis-clos du film, on décrypte chaque personnalité au gré des réflexions, des réactions éphémères – qui permettent de cristalliser chaque mentalité en une soirée – et on se questionne constamment sur qui agit correctement, qui est malade, qui est le martyr et le bourreau... ?
Antoine Cuypers réussit avec brio l'exercice dans lequel il s'est lancé et conjugue la douceur réconfortante de la famille avec la toute la haine qu'elle peut dégager. Il n'a pas besoin de grands discours explicatifs pour justifier l'attitude de Cédric qui lui, est sans cesse en train d'essayer de comprendre où il a pêché. Une situation royalement bien dirigée entre pudeur et violence qui crée un équilibre fort agréable pour le spectateur qui est plongé, avec la famille, dans cette douloureuse histoire.Préjudice tient donc sa force dans une économie scénaristique bien pensée sur un fond épuré et habilement filmé (on remarque les nombreux plans de dos, centrés) faisant de cette œuvre une réelle pépite inédite servit par d'excellents acteurs.
Préjudice - Trailer - Sortie/Release : 07/10/2015
MATTHIEU EB.
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