Il ne nous en voudra pas de dire qu’il est tombé dedans quand il était petit. Olivier Cresp, maître parfumeur chez Firmenich depuis 1992, est né à Grasse, capitale du parfum, dans une famille de cultivateurs de rose et de jasmin. On lui doit des parfums célèbres comme Angel (Thierry Mugler), Cerruti 1881 Acqua Forte (Cerruti), Dune pour Homme (Dior), Juniper Sling (Penhaligon’s), Kokorico (Jean-Paul Gaultier), L’Eau par Kenzo pour Homme (Kenzo). Plus récemment il vient de signer le tout dernier parfum de la maison Penhaligon’s, qui est aussi le tout premier jus gourmand de la marque, inspiré par la tradition anglaise de « L’Afternoon Tea », moment où le jour laisse place à la nuit et où le froid hivernal accueille le printemps. Une friandise subtile et sucrée où de délicieuses notes de Chantilly, de Frangipane et de sucre roux sont mélangées avec des feuilles de violette, de l’absolue de fleur de jasmin sambac et absolue de fleur d’oranger, la profondeur est arrondie avec la richesse orientale du Benjoin Siam et de l’Ambrox.
« Lors d’une de mes dernières visites à Londres, j’ai pris un incroyable brunch dans un endroit raffiné et élégant, où l’atmosphère magique des pièces, décorées avec des compositions florales opulentes, a tout de suite pris mes sens en otage. Tout en admirant ces belles fleurs, je me délectais de délicieux toasts surmontés de miel et de marmelade, et ce sont ces facettes gourmandes qui m’ont inspirées Equinox Bloom, une inflexion moderne et tendance au généreux bouquet de fleurs. Selon moi, ce raffinement luxueux et abondant reflète la parfaite générosité que Penhaligon’s met dans ses parfums ». – Olivier Cresp.
A l’occasion de la sortie d’Equinoxe Bloom, Olivier Cresp a accepté de répondre pour la maison anglaise Penhaligon’s à quelques questions pour mieux connaître ce parfumeur, l’un des plus doués de sa génération.
Comment avez-vous commencé dans la parfumerie ?
Je suis parfumeur depuis 1975. J’ai fait mes débuts dans la société Firmenich en 1992 et je suis devenu Maître Parfumeur en 2006. Dans mon enfance, j’ai suivi un apprentissage intensif sur les matières premières, ce qui m’a permis de me concentrer rapidement sur la formulation. Comme nombre de mes pairs, j’ai commencé à travailler sur des produits techniques pour améliorer les aspects pratiques de mon métier avant de rejoindre une équipe responsable des parfums fins.
Racontez-nous votre histoire familiale avec le parfum et la célèbre région de Grasse ?
Mon arrière-grand-père cultivait des roses et des jasmins ; quant à mon grand-père et à mon père, ils faisaient le commerce des matières premières. La parfumerie est au cœur de mon parcours et de mon héritage familial. Mes souvenirs olfactifs restent intacts. Je suis capable de me souvenir des repas de famille pendant lesquels la conversion tournait exclusivement autour du parfum. À cette époque, il existait des champs de fleurs dans tout le pays de Grasse. C’était merveilleux ! J’aimais sentir le jasmin qui fleurissait entre mai et septembre, sans oublier les tubéreuses, les roses de mai et les violettes. J’adorais observer le processus d’extraction de lavande, de lavandin et d’iris. Tel est l’environnement dans lequel j’ai grandi. Si j’étais né ailleurs, il se peut que je n’aie pas fait pas le même métier qu’aujourd’hui.
Vos parents ont-ils appuyé votre souhait de devenir parfumeur ?
Je suis issu d’une famille de trois enfants et nous sommes tous devenus parfumeurs. Mes parents et mes grands-parents ne se sont pas limités à nous apporter leur soutien, ils nous ont véritablement tout appris ! La plupart des soirées, tout comme d’autres enfants écouteraient une histoire avant d’aller au lit, la famille Cresp humait les fleurs fraîches cueillies pendant la journée et apprenait à les reconnaître. Depuis, les secrets de famille ont été transmis à mon fils unique, Sébastien, qui est devenu parfumeur il y a un an.
Vous rappelez-vous la confection de votre premier parfum ? Qu’avez-vous alors ressenti ?
Je me souviens de cette expérience très spéciale comme si c’était hier. J’avais 9 ou 10 ans. J’ai cueilli toutes les fleurs que j’ai pu trouver dans le jardin de mes parents : des jasmins, des roses, des fleurs d’arbres fruitiers… Je les avais fait macérer dans de l’alcool que j’avais acheté à la pharmacie du quartier. Le résultat était assez médiocre et je me souviens que ce fut une véritable déception. À cette époque, j’ignorais tout des formules de parfums.
Quelles sont les matières et les senteurs avec lesquelles vous préférez travailler ?
Il y a quelques années, je suis tombé amoureux du cèdre ! Nous proposons un bois d’une qualité extraordinaire dans notre répertoire ! Je l’utilise dans toutes mes créations, de façon identique, qu’elles soient destinées aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Il apporte une fabuleuse texture crémeuse et soyeuse, d’une somptuosité empreinte de sensualité, ainsi qu’une touche d’intensité et d’élégance… Ses qualités sont innombrables ! C’est ma véritable signature.
Sur combien de parfums travaillez-vous en même temps ?
Je suis habitué à travailler sur de nombreux projets en même temps et j’apprécie le rythme que cette activité procure. Elle offre l’opportunité d’étudier chaque produit de façon isolée, puis de prendre du recul, de réfléchir à d’autres idées et projets avant de revenir au parfum initial avec des idées nouvelles et un regard plus objectif. Développer un parfum exige de faire des pauses pour garantir l’innovation et l’inspiration tout au long de votre progression. En termes de créativité, nul n’avance de façon régulière. En réalité, progresser sur un parfum se traduit généralement par une série de petites étapes jusqu’à atteindre le but final.
Comment jonglez-vous avec autant de choses ?
Jongler avec de nombreux projets me permet de me sentir vivant.
Quelle sorte de défis devez-vous relever pendant la fabrication d’un parfum ?
Pour chaque projet, je suis confronté à un défi unique étant donné que tous mes projets sont différents. C’est le côté excitant de ma vie de créateur. Mes journées ne se ressemblent pas et chacune apporte son lot d’inspiration inédite. Dès qu’une belle idée me vient à l’esprit, mon défi consiste à la transformer en parfum d’un raffinement hors pair.
Existe-t-il un parfum que vous auriez aimé créer mais que vous n’avez pas eu la chance de fabriquer ?
Shalimar. J’ai toujours été impressionné par ce parfum raffiné et sa nature séduisante.
Décrivez votre style. Vous l’avez précédemment décrit comme étant minimaliste…
Je confirme que j’ai un style très minimaliste. Tous les jours, j’ai la possibilité de créer à partir d’une palette de 400 ingrédients, mais je préfère n’en utiliser qu’entre 20 et 30 pour les comprendre plus en profondeur et, de ce fait, les adapter plus facilement si besoin est !
Où vivez-vous maintenant ? Êtes-vous inspiré par votre cadre de vie ?
Je vis à Paris mais je reste très lié à Grasse. J’ai l’habitude de retourner dans la région pour les vacances et je suis très impliqué dans les activités qu’y mènent Firmenich, notamment par rapport à la recherche et au développement de notre division Ingrédients. Mon cadre de vie et l’ensemble de mes expériences n’ont de cesse de m’inspirer tous les jours, quelle que soit ma localisation.
J’ai lu que, dès l’âge de 7 ans, vous saviez que vous vouliez être parfumeur ? En avez-vous le souvenir ?
Bien entendu ! Comme vous pouvez le voir, je n’ai jamais dévié de l’ambition qui m’habitait enfant.
Pouvez-vous décrire une journée type ?
Ma journée de travail débute généralement à 9 heures 30 et se termine à 20 heures. J’aime la commencer en sentant les ingrédients naturels ou synthétiques, juste pour élargir mes horizons et trouver une source d’inspiration. Puis, je me consacre principalement à l’enrichissement de mes nouvelles formules, en collaboration avec mes assistants ; je discute également avec les équipes de développement de Firmenich et avec nos clients. Par-dessus tout, mon métier est une affaire de partage et de passion. La formation de parfumeurs plus jeunes constitue aussi une partie importante de mes activités. J’aime partager mon expérience avec eux, d’autant qu’ils aiment à faire part de leurs nouvelles idées.
Equinoxe Bloom – 118 € les 50 ml et 149 € les 100 ml