On parle sans arrêt du coût du travail. Avez-vous déjà entendu parler du coût du pétrole ? Non, bien sûr. On se réfère plutôt au prix du pétrole. Et les entreprises achètent du travail comme elles achètent du pétrole. Mais, dans le monde du commerce, c’est au départ le vendeur qui fixe le prix. Ce sont ensuite la négociation et le marché qui font évoluer le prix. Dans les circonstances qui règnent depuis quarante ans, faute de croissance, les entreprises ont moins besoin de travailleurs. Ceci entraîne en conséquence les salaires vers le bas. Il faut néanmoins se souvenir de ce que les entreprises ne donnent pas du travail mais l’achètent.
Les patrons suivent d’ordinaire le rapport des dépenses sur le chiffre d’affaires. On observe que la voie suivie pour abaisser ce ratio est très souvent de diminuer les dépenses et donc, au premier chef, de réduire la masse salariale. Son intérêt est que l’effet d’une réduction des effectifs a un effet immédiat. Si, plutôt que de comptables, on disposait d’entrepreneurs, ceux-ci chercheraient à augmenter le chiffre d’affaires. Malheureusement, ceci réclame plus de talent que de manier la faux. On préfère se battre en baissant les prix plutôt que d’améliorer qualité, service ou délais. Soulignons aussi que toutes les branches d’activité ne sont pas logées à la même enseigne et que la masse salariale ne constitue pas nécessairement l’essentiel du coût d’un produit. Lutter en grattant quelques pourcents ici et là ne suffit pas pour vaincre des concurrents aux coûts salariaux cinq fois inférieurs aux nôtres. Il existe bien sûr une méthode pour se mettre hors de portée de tels concurrents. On l’a déjà essayée, et ça marche. C’est l’esclavage.
Nos merveilleux gestionnaires répètent régulièrement qu’il convient de faciliter les licenciements pour permettre des embauches. Si cet axiome était avéré, avec les millions de licenciements autorisés depuis quarante ans, il ne devrait plus rester aujourd’hui un seul chômeur et peut-être même les entreprises ne trouveraient elles plus de candidats à embaucher.
Il semble que les salariés soient considérés comme n’importe quelle autre ressource. Les entreprises demandent pourtant aux candidats à l’embauche d’être formés et expérimentés. Comment des responsables peuvent-ils être assez inconséquents pour pousser au départ des anciens disposant de l’expérience qu’ils recherchent aussi ardemment chez de plus jeunes ? Comment peuvent-ils être aussi inconscients pour s’en remettre à des intérimaires qui ne sont habitués ni aux lieux, ni aux méthodes, ni aux gammes et qui ignorent l’esprit maison ? Il s’agit là d’une flexibilité poussée jusque à la rupture.