Auteur : Linden OliverCycle : Les Pèlerins d'Yssel
Édition : La BourdonnayeParution : 2016
Pages : 334Prix : 21,50 €
Genre : Fantasy
oin au-dessus de ce monde, la lumière d’Yssel, l’étoile protectrice de l’Humanité, faiblit dangereusement sans que personne ne s’en aperçoive. Sur Terre, les passions se déchaînent. Vaincus par les humains, les elfes se sont éteints. Mais en disparaissant, ils ont donné naissance aux lunarels, un peuple mi-humain, mi-elfe. Durement opprimés, les lunarels se mettent à rêver de liberté et d’indépendance. Une révolte gronde.
Dans le royaume d'Abhorn, le prince-servant Haert se protège des complots en éliminant ceux qui se dressent entre le trône et lui. Seule sa sœur Elvire tente de lui résister.
Célèbre et valeureuse générale, Moéva d’Arézar est poussée à l'exil malgré sa victoire décisive contre les Pillards Pourpres et le sacrifice de ses guerrières, les Dames d’Yssel. En route pour son dernier voyage, elle rencontrera Saerra, jeune lunarelle aux pouvoirs magiques prometteurs, qu'elle prendra sous sa protection. Lors de leur périple, les deux femmes se joindront au premier-chevalier Brilliân qui se rend en Outre-Ezar pour y mener une quête mystérieuse.
Dans les ruines de leurs cités maudites, les fantômes des elfes murmurent inlassablement vengeance. L’horizon change et bascule doucement vers des temps incertains.
Un antique danger menace.
L'humanité survivra-t-elle ? Qui parviendra à la sauver ?
’auteur m’avait contactée il y a plusieurs mois pour me proposer de lire son roman. Comme j’étais un peu prise par mon diplôme, j’ai préféré reporter la décision à plus tard, car j’étais tout de même intriguée par ce premier tome. Je l’ai donc reçu en janvier, et j’ai été très agréablement surprise par cette lecture !
Pourtant, l’univers n’a rien de très original pour un habitué de la fantasy : on y trouve une ambiance médiévale, des intrigues de cours, des guerres entre royaumes, et un peu de magie. Mais ce n’est pas toujours avec du neuf qu’on fait du bon, et Linden Oliver nous le démontre parfaitement ici. L’auteur maîtrise bien son univers, et nous propose une intrigue classique mais cohérente.
Les « néophytes » seront peut-être un peu perdus au départ, car l’auteur nous plonge directement au cœur de la quête poursuivie par chacun des personnages, sans vraiment nous expliquer le pourquoi du comment, ni faire le lien avec les événements annoncés dans la quatrième de couverture. Ainsi, il est difficile d’identifier à quel moment l’intrigue commence réellement, il n’y a pas de véritable point de départ, même si la quatrième de couverture me pousse à penser que le début de tout se trouve chronologiquement en amont de ce premier tome. C’est donc à chacun d’essayer de comprendre où l’auteur veut en venir, petit à petit, en identifiant les liens entre les histoires des différents personnages. C’est d’ailleurs le principal « défaut » du roman : le lecteur est dans le flou pendant assez longtemps concernant le fil rouge de ce tome, ce qui peut décourager et donner l’impression qu’il ne se passe rien.
Or, pour moi, la grande force de ce premier tome, ce n’est pas son intrigue ni son univers, mais ses personnages : ils sont tous très réussis, tout en nuance et en complexité, ce qui apporte une vraie richesse au roman et rend la lecture particulièrement agréable. Ce que je trouve génial, c’est que les personnages se dévoilent au cours du roman, et nous font régulièrement changer d’avis sur leur compte. Chaque chapitre permet de découvrir des facettes différentes de chaque personnage, et les rendent un peu plus complets et intéressants.
Prenons Haert par exemple, le prince-servant du royaume d’Abhorn. Il nous apparaît profondément antipathique au départ, parce qu’on se place du point de vue de ses adversaires ou de sa jeune sœur, et parce que le roman commence par nous présenter une de ses décisions qui a des conséquences non négligeables... Mais lorsqu’on avance dans l’histoire, on en vient à mieux le comprendre, à envisager ce qui l’a amené à prendre certaines décisions, et même si on ne cautionne pas forcément ses actes, ils peuvent se justifier lorsqu’on se place du point de vue d’Haert lui-même.
De même, Elvire, la sœur d’Haert, m’a agacée au départ. Et pourtant, je me suis beaucoup attachée à elle par la suite : elle est au cœur d’une bonne partie de ce tome, et on découvre une jeune femme naïve mais déterminée, et surtout dotée de dons incroyables ; un oiseau fragile en apparence, qui tourne en rond dans sa cage dorée, mais qui tente d’agir à son niveau et de se soustraire au contrôle de ses geôliers. Et surtout, c’est avant tout une jeune fille en pleine adolescence, qui se pose beaucoup de question sur elle-même, sur l’amitié et la confiance, sur les relations qu’elle entretient avec les autres, sur sa sexualité, etc. Et finalement, bien que ces questionnements prennent beaucoup de place dans le roman, ils sont bien menés, et permettent de faire évoluer le personnage. Elvire est ainsi un de mes personnages préférés, parce qu’on explore longuement ses pensées, ce qui la rend plus complexe et plus intéressante qu’au premier abord, et qui nous fait voir au-delà de ses réactions parfois enfantines.
Étrangement, j’ai aussi été énormément intriguée par Katryn, la femme d’Haert. Elle apparaît comme une jeune femme odieuse et avide de pouvoir, qui fait tourner en bourrique son mari et se complaît dans les intrigues de cours. Et pourtant, elle exerce sur moi une grande fascination, et j’espère vraiment que l’auteur nous proposera des chapitres vus par ses yeux à elle, qui nous ferons mieux comprendre son histoire et son comportement.
J’ai eu beaucoup de mal avec Saerra dès le départ, une jeune lunarelle (mi-humaine, mi-elfe) qui apparaît un peu perdue au début, mais qui va vite montrer des côtés plus sombres de sa personnalité et se rebeller contre le destin que son père lui a choisi. J’ai plus apprécié Moéva, l’ancienne générale des Dames d’Yssel, une compagnie de mercenaires qui a volé au secours du royaume d’Abhorn à de nombreuses reprises mais qui a été décimée par la guerre puis démantelée… J’ai cependant eu du mal à cerner ce personnage, que je trouve assez complexe car derrière son fort caractère se trouve une femme brisée, qui rejette toute sollicitude envers sa personne. Elle se déteste d’avoir survécu à sa compagnie, autant qu’elle déteste les autres de la considérer comme une héroïne.
Comme vous pouvez le voir, les personnages principaux sont tous ambivalents à leur manière, chacun ayant des facettes différentes que l’on se plaît à explorer dans ce premier tome, même si beaucoup de questions restent en suspens. Je suis donc très curieuse de retrouver Haert, Elvire, Katryn, Moéva, Saerra, Saulen et Brilliân dans le second tome !
Linden Oliver s’en tire bien pour un premier roman : malgré quelques petits défauts et un univers de fantasy médiévale classique, l’ensemble est bien maîtrisé, se lit facilement et avec plaisir. L’intrigue est assez floue pendant une bonne partie du roman, et c’est surtout la quatrième de couverture qui nous éclaire, mais l’intérêt de ce premier tome réside avant tout dans ses personnages. L’auteur parvient à nous surprendre à de nombreuses reprises : impossible de ne pas changer d’avis sur eux en cours de roman ! Chaque chapitre nous dévoile une facette différente de chacun, en apportant des nuances à leur personnalité, et en alternant les points de vue : les personnages sont tous intéressants à leur façon, qu’on les aime ou qu’on les déteste, on ne peut pas être indifférent :)