Chocolat : du cinéma populaire comme on aime tant!!

Par Filou49 @blog_bazart
04 mars 2016

Une des  grandes vertus du cinéma dit "populaire"  est certainement de réussir à faire connaitre au plus grand nombre la vie de personnages au destin exceptionnel mais hélas qui ne sont pas restés dans la postérité.

Prenez notamment le film "Chocolat "sorti il y a maintenant un mois au cinéma et que j’ai enfin eu la chance de voir pendant les récentes vacances de Février : le film de Rochdy Zem est en effet un beau spectacle populaire qui rend en même temps un bien bel hommage à un artiste oublié qui a pourtant révolutionné l’art du cirque ,  une véritable célébrité au tournant du XXe siècle que même les célèbres frères Lumière incarnés dans le film par les Frères Poladyles ( une des belles idées du film),  ont filmé.

Ce Rafael Padilla- on n’est pas certains que ce soit d'ailleurs son vrai patronyme, il est bien plus connu sous celui le Clown Chocolat-  est avec son comparse Georges Foottit les inventeurs de la comédie clownesque associant l’Auguste et le clown blanc. Précurseurs en la matière, leur duo conquit le public parisien.

Le destin de ce Chocolat ne pouvait qu’être mis en avant par le cinéma : placé au départ dans une situation  très défavorable, celle d'un  esclave noir  brutalement déraciné  dans le monde blanc, Chocolat ne devra son émancipation et sa conquête de liberté  en utilisant le seul moyen qu’il  avait à sa disposition , celui de faire rire les blancs .

Sauf que le rire se mêle à cette période à de relents racistes qui sont un peu comme des automatistes pour les blancs de l’époque.  Car ce  clown noir qui reçoit des claques et des coups de pied au derrière  donnés par le clown blanc qui le domine, voire l'humilie, va peu à peu prendre conscience de cet asservissement et de ces arrières pensées racistes.

Si le scénario du film se permet quelques libertés avec la vraie histoire de Chocolat – ce que reconnait le livre Chocolat les images du film paru chez Bayard que j’ai lu à la suite du film- notamment sur la pièce de théâtre classique que veut jouer à tout prix Chocolat pour avoir la reconnaissance de ses pairs ( l'Othello de Shakespaere dans le film, Moise, un petit vaudeville, dans la réalité) on ne peut que rendre grâce à Roschdy Zem  d’être parvenue à aborder toute la problématique de la reconnaissance, du racisme, du mépris et du pouvoir avec beaucoup de finesse et d’empathie.

Roschdy Zem et Omar Sy, dans les interviews du film, présents dans le livre dont je viens de parler, affirment s’être trouvé quelques points communs avec Chocolat, notamment dans le sentiment fort de se sentir imposteur, un sentiment que toutes personnes réussissant à accéder à une réussite sociale que leur  origine ne leur permettait pas au départ  et cette idée rejaillissent de belle façon dans le film.

Alors certes, le film  reste classique dans sa forme, bien moins âpre sur un sujet voisin que la Vénus Noire de Kechiche-avec Olivier Gourmet en point d’ancrage des deux films- mais la réalisation de Zem, esthétique et soignée, installe une belle harmonie que le choix des décors et des costumes accentuent.

Et surtout le scénario n’hésite pas à nous montrer ce qui fâchait dans cette société du début du siècle : que ce soit une  promenade à l'exposition coloniale du bois de Vincennes de 1907 ou un projet d'affiche qui caricature outrageusement l'acteur noir montre à quel point le racisme  semblait être une évidence pour tout le monde…..

Si c'est  bien ce racisme virulent de l'époque qui finira par avoir la peau de Chocolat, le personnage est aussi intéressant dans le sens où il semble porter en lui  les germes d'un désir d'autodestruction, certainement du à son statut d’esclave lorsqu’il était enfant.

Mais Chocolat est aussi le portrait d’une belle relation d’amitié, presque amoureuse entre Footit- dont l’homosexualité est esquissée qui vont aller du coup de foudre au déchirement, pour se conclure dans une très émouvante scène de fin.

Et le film est également une très belle  ode aux monde des saltimbanques, en nous offre de véritables scènes de spectacle de cirque inédites.

De belles scènes de cirque imaginées par James Thierrée, l’interprète de Foottit  qui n’a vraiment pas à rougir de son  illustre grand-père Charlie Chaplin,  tant sa prestation dans un rôle qu’on aurait aimé sans doute encore plus développé et son aisance à jouer les clowns avec son compère Omar Sy- dont on a lamentablement annoncé le décès hier sur twitter, et  excellent dans un rôle qui lui permet d'offrir  une palette de jeu plus large que d’habitude- contribue pour beaucoup à la belle réussite de ce très plaisant et très agréable Chocolat… 

 Et comme je le disais dans l'article, afin de  prolonger le plaisir du film, est paru un bel album,  Chocolat les images du film dans lequel on voit 70  clichés tirés du film et dans lequel Les acteurs Omar Sys et James Thierrée, et le réalisateur Roschdy Zem racontent l’aventure du film, complétés par des images d'archives,  des interviews des acteurs, ainsi que des reproductions de dessins de Toulouse-Lautrec et des documents d’époque, présentés par l’historien Gérard Noiriel, à l’origine du livre qui a inspiré le film.

Bref, un complément idéal au film de Roschdy Zem!