Un universitaire très éminent me racontait sa rupture avec sa mère. Venu d'un milieu pauvre, il avait fait des études particulièrement brillantes. Alors que sa mère se vantait partout de la réussite de son fils, elle lui reprochait sans cesse de mépriser sa famille. Elle lui rendait la vie insupportable.
Je me suis demandé s'il n'y avait pas là quelque-chose des origines de 68. Je me souviens des anciens qui disaient : "on t'a donné ce que nous n'avons pas eu". C'est-à-dire l'éducation. Ils pensaient peut-être que les nouvelles générations devraient leur être éternellement reconnaissantes. Peut-être aussi voulaient-ils obtenir la réussite sociale qui leur avait été refusée, par l'entremise d'enfants marionnettes dont ils auraient tiré les ficelles ? Peut-être était-ce, d'ailleurs, comme cela que la génération immédiatement antérieure fonctionnait : le jeune obéissait au vieux. Ou, du moins, il appréciait ses conseils.
Mais la génération des supérieurement éduqués était quelque-chose d'entièrement nouveau. L'autorité des générations antérieures ayant été refusée, leur comportement s'est transformé en harcèlement moral ? D'où la révolte de 68 ?