Au lieu de vous demander : « Qu’est-ce que c’est ?»
Demandez-vous: « Qu’est-ce que je sens et comment je me sens ?»
Quelles sont les raisons de cette recommandation ?
C’est dans la présence à cette action de l’être la plus intime et la plus proche que nous expérimentons notre nature essentielle. « La respiration est davantage qu’une alimentation de l’homme en air », dit Durckheim qui avait été confronté à l’importance de l’attention à l’acte de respirer dans l’exercice du zazen (méditation sans objet), du tir à l’arc traditionnel (Kyudo).
Ayant été moi-même confronté à cette exigence dans la pratique de l’Aïkido, du zazen, de la cérémonie du thé (Chado) et du tir à l’arc, nous avons eu de nombreuses conversations sur ce que les japonais appellent : KoKyu.
Au Japon, ce que nous appelons respiration est nommé KoKyu ("ExpirInspir", en un seul mot parce que ces deux actions du corps vivant (Leib) sont envisagées comme étant indissociables).
KoKyu ?
C’est le centre actif de l’être humain. C’est la force en acte (plénitude en acte) qui participe à notre devenir depuis ce moment mystérieux qu’est la fécondation jusqu’à notre mort.
KoKyu ?
C’est ce qu’on appelle, dans la tradition Taoïste, la respiration embryonnaire; ce que les ostéopathes appellent le mouvement respiratoire primaire.
KoKyu ?
C’est une action qui peut prendre plusieurs sens et dépasse de loin l’idée qu’il s’agit de la respiration diaphragmatique. Ainsi, dans la pratique d’un art martial comme dans l’exercice de la cérémonie du thé, KoKyu désigne le timing, c’est-à-dire la répartition des différentes phases d’une action dans le "temps-vécu" et des déplacements dans "l’espace vécu".
KoKyu ?
C’est aussi l’usage adéquat de la force engagée dans une activité ainsi que le caractère harmonieux de cette action.
Le concept "respiration", tel que nous l’entendons habituellement, prend ici une dimension inattendue. Non seulement dans le rapport avec nous-mêmes mais aussi quant à notre relation au monde. Les japonais parlent du "KoKyu des océans" qui se révèle dans la puissance, le rythme des marées; du KoKyu de la Terre qui apparaît dans sa rotation annuelle autour du soleil et dans la succession des saisons, la succession du jour et de la nuit.
La méditation est l’exercice de la métamorphose. L’ego, centre des pensées, des images, des désirs et des craintes n’est pas le point d’appui qui pourrait nous conduire au bien-être. Notre vrai point d’appui est notre être essentiel, source du calme intérieur, du silence intérieur, de la paix intérieure; et c’est dans la respiration que nous l’expérimentons. « Par la pleine attention au simple va et vient du souffle ... tout en moi se calme ! », s’exclame un moine zen.
A chacun de vérifier si cela est vrai et possible. Comment ? En pratiquant !
Jacques Castermane
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