Magda a eu 20 ans hier, elle vit depuis quatre mois sous tente dans le bois de Vincennes avec son ami Tobiasz qui a 29 ans. Elle est enceinte, perd ses cheveux et est très malade. Avec l'appui d'une traductrice, Magda et Tobiasz m'ont raconté leur histoire.
Tobiasz a perdu sa maison et son travail en Pologne, ils sont venus en France chercher de meilleures conditions de vie. Des connaissances leur avaient trouvé un soi-disant logement et du travail. Tobiasz a travaillé deux mois en France dans le bâtiment, mais n'a jamais vu la couleur de son salaire.
Ils sont donc partis vivre sous tente dans le bois de Vincennes.
Avec le soutien de mes amies de la , j'ai tenté de les aider avec des courses, des repas chauds, des achats pour des besoins quotidiens, des nuitées à l'hôtel, des rendez-vous médicaux.
Les choses étaient censées s'arranger pour eux par le biais des associations contactées avec une prise en charge pour le suivi médical et l'hébergement. Mais ce n'est pas encore le cas. Nous ne désespérons pas, nous continuons à les aider, mais ce n'est pas notre job, il y a des gens qui sont payés pour faire ce travail, comme le 115 par exemple.
Hier, j'ai passé tout mon après-midi à tenter de joindre le 115 pour qu'ils puissent être hébergés la nuit du 2 au 3 mars. Au bout de quelques heures, après avoir parlé à différents interlocuteurs du 115 qui me disaient ne rien pouvoir faire, j'ai réussi à joindre un employé du pôle " personnes isolées " du 115 qui m'a fait savoir que leurs équipes ne voulaient pas se rendre dans le bois de Vincennes pour ne pas être obligés d'aller aider toutes les tentes. J'ai dû supplier, m'énerver pour que le 115 ne les laissent pas dans le bois une nuit de plus. Il a fini par accepter de faire quelque chose, au début il m'a proposé qu'ils se rendent ailleurs dans Vincennes, afin que l'équipe du 115 puisse les récupérer dans la logique " on veut bien les aider, mais il ne faut pas que les autres sans-abris du bois voient qu'on les aide ", puis il a changé d'avis, et m'a demandé qu'ils se rendent à l'autre bout de Paris pour 18 h.
Il m'a assuré les avoir inscrits sur la liste du soir et qu'il n'y aurait aucun problème.
Le bus CHAPSA était censé les récupérer à 18 h au 1 bis avenue de la Porte de la Villette, Metro Porte de la Villette.
Quand ils sont arrivés au rendez-vous, le type du bus CHAPSA les a refusés en leur disant " désolé monsieur, mais ce soir on a trop de monde, on ne peut pas vous prendre ", Tobiasz a insisté en disant que sa femme était enceinte, il a expliqué qu'ils étaient inscrits sur la liste du soir, a donné son nom et celui de sa femme, mais leur noms ne figuraient pas sur la liste...
C'est à devenir fou.
L'histoire de ce bois de Vincennes est tragique, il y a environ 300 personnes qui vivent sous tente toutes nationalités confondues. Ces dernières nuits il a fait entre - 1°C et - 5°C. Les arbres sont déracinés par le vent et s'abattent sur les tentes. Il y a des morts.
Mais aussi des blessés. Pour se chauffer et se faire à manger les sans-abris utilisent des petites bouteilles de gaz.
Il y a un mois une de ces bouteilles de gaz a explosé, l'homme qui vivait dans cette tente est grand brûlé, faute d'argent l'hôpital n'a pas voulu le prendre en charge, et c'est Tobiasz qui l'a mené au Samu Social, actuellement cet homme est toujours hospitalisé.
Ça fait longtemps que j'essaie d'aider les familles exclues, les rejetés de la société, les réfugiés, les roms, etc. mais il y a des jours comme aujourd'hui où je suis à bout de souffle. Que faire quand des structures qui sont censées aider ces gens ne font rien, quand des personnes dont c'est le métier et qui sont payées pour faire ça n'assument pas leurs responsabilités ?