Aborder la notion d’innovation avec une entreprise (que ce soit pour repenser les processus d’innovation, le modèle économique, la transformation des postures ou pratiques innovation) fait rapidement émerger la notion de projets ou plus exactement du « trop de projets ». Il suffit de poser la question du « combien de projets ? » pour juger de la prolifération ou non.
En réalité, le « surplus » de projets cache une double réalité : les projets choisis (et planifiés) et les projets…non prévus, non choisis et souvent subis, à savoir tous les projets qui sont lancés pour répondre à une demande urgente émanant du client, de la direction, d’un changement de réglementation…
Ce contexte de saturation posent trois questions-clés pour transformer une entreprise :
1. Comment désormais allouer du temps pour les projets « non prévus » dans un portefeuille projets ?
Les études démontrent qu’aujourd’hui les entreprises doivent gérer un rapport de 20% projets non prévus et 80% projets planifiés. D’ici 3 ans, la tendance sera de 40% de projets non prévus contre 60% de projets planifiés (source : Autissier « le changement agile »).
2. Les entreprises se retrouvent donc à gérer un portefeuille de projets tous importants, plus ou moins urgents mais sont-ils essentiels ? (quelle valeur ajoutée ? quel impact ? quelle différence ?) Au-delà du déterminant « important », pourquoi les entreprises utilisent-elles toujours les anciens critères de choix (urgent/important, cf. matrice d’Eisenhower) alors que le monde a considérablement évolué ?!
Repenser les critères de choix s’imposent pour pondérer l’enjeu et la valeur ajoutée des projets tout en apportant lisibilité, efficacité et responsabilité.
La responsabilité, c’est choisir et choisir, c’est dire « oui » à un projet (et savoir sur quels critères) mais c’est aussi dire « non » à autre chose (renoncer à ou diminuer l’effort). La responsabilité s’applique bien autant aux choix qu’aux « non-choix ».
3. Plus largement, la dernière question posée est simple : transformez-vous votre organisation par addition ou par décision ?
Je citerai la métaphore intitulée « la cire et de l’eau chaude » d’Olivier Clerc pour préciser l’intérêt de cette dernière question ;
« Si vous faites couler un peu d’eau chaude sur une surface de cire plane, vous vous rendrez compte alors que l’eau chaude a tôt fait de creuser un chemin sur la cire. Mais ce qui est le plus remarquable, c’est que lorsque vous refaites couler de l’eau sur cette même surface, le chemin emprunté reste implacablement le même. »
Cette métaphore peut être interprétée de différentes façons, rapportons-la au monde de l’entreprise et de la transformation.
« Pierre crée une entreprise par exemple. C’est lui l’eau chaude. C’est lui qui décide ce qu’il veut faire, quels statuts, quelles valeurs, quelle intention. Au début c’est lui qui modèle la cire comme il le souhaite pour rendre sa société conforme à ses plans, à ses rêves. Mais que voit-on souvent au bout de quelques années ? La cire a durci : la société est bien établie, elle a grandi, elle s’est fortifiée, elle est désormais bien implantée. Et voilà que c’est elle, désormais, qui dicte à Pierre ce qu’il peut faire ou non. La création fait place à la production, à l’administration, à la gestion qui prennent une place prépondérante. L’entreprise a sa vie propre. Il devient difficile pour Pierre de la faire changer, évoluer, de lui donner une nouvelle direction : elle y oppose une farouche résistance car elle n’est plus aussi malléable qu’au début. »
Cette métaphore souligne bien le talent et la vigilance nécessaires pour garder une entreprise vivante, agile en évitant les deux extrêmes que sont, d’un côté le changement permanent où ni les employés ni les clients ne s’y retrouvent et la cristallisation qui, à un certain point, rendent tout changement difficile et douloureux. Cette métaphore nous invite également à discerner ce qui est « cire » ce qui est « eau chaude », ce qui est le résultats de choix conscient que nous continuons d’approuver, ce qui a été hérité du passé, et ce que nous avons mis volontairement en place mais qui n’a aujourd’hui plus de pertinence.
Il faut beaucoup de courage pour transformer, mais peut-être pas celui auquel vous pensez. Transformer, c’est relire son organisation et ses projets sous l’angle de la pertinence et de l’essentiel. C’est aussi accepter de renoncer, d’arrêter certains projets ou de les faire évoluer : les transformations d’entreprise doivent faire appel à plus de créativité pour réussir. Pour exemple, je vous propose trois questions (parmi d’autres) pour relire autrement son organisation et les projets en cours :
- Quelles sont les habitudes, règles que nous suivons et qui n’ont plus lieu d’être ?
- Pouvons-nous cartographier visuellement nos projets actuels (avant même de définir de nouveaux critères) en utilisant, par exemple, une grille de lecture à deux axes de type « Fort impact / Faible impact » et « Simple à mettre en oeuvre / Difficile à mettre en oeuvre »
- Faut-il supprimer ou repenser certains projets (ceux qui sont difficiles à mettre en oeuvre notamment) ?
Je partage la liste des 8Rs de la simplicité ci-dessous, liste que j’utilise pour certains ateliers d’équipes afin de développer la capacité à simplifier de façon créative (c’est-à-dire en gardant la valeur ajoutée et la pertinence).
8Rs de la créativité de Marianne Dekeyser est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.