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Gillian Flynn, Les apparences

Par Ellettres @Ellettres

Afficher l'image d'origineEt voilà, j’ai craqué sur le bon vieux polar que l’on trouve dans tous les R**** de gare (d’ailleurs, ce fut le lieu de mon craquage après une longue journée de travail – typique), le polar dont j’ai une certaine assurance qu’il va être bon étant donné qu’il a été vanté dans pas mal de blogs, bref : pas de prise de risque. Et en effet, l’histoire est bien construite. Nick et Amy forment ce qu’on appelle un « beau couple » mais depuis la crise des subprimes, ils ont dû abandonner leur nid d’amour new-yorkais pour s’installer dans le Missouri natal de Nick, autant dire le repaire des beaufs aux yeux d’Amy. Un matin, Amy disparaît. Les indices qui s’accumulent semblent tous pointer vers Nick. Celui-ci entre-temps découvre qu’Amy lui cachait certaines choses…

Alors voilà, la première partie monte crescendo car elle confronte la version au jour le jour de Nick et des fragments du journal intime d’Amy depuis leur première rencontre. Ce qui est intéressant c’est de voir les dissonances qui existent entre les deux versions. On ne sait plus sur quel pied danser : Nick est-il coupable ? Le gène destructeur de son terrible paternel aurait-il supplanté le gène bienveillant transmis par sa mère ? Amy est-elle la victime que tout semble indiquer, la pauvre petite fille riche que ses parents ont mise en scène depuis son enfance dans une série de livres à succès (« L’épatante Amy », rien que ça) ?

Et puis coup de théâtre de la deuxième partie : là on vire carrément dans le malsain, mais on s’amuse quand même des retournements de situation. Chapeau Madame Flynn, tout s’emboîte à merveille (au prix d’invraisemblances, mais c’est un peu la loi du genre).

Terminant ce livre en moins de deux (preuve que le genre est addictif), je me suis quand même dit que ce type de roman me laissait sur ma faim. En effet, l’attention du lecteur est tendue vers le dénouement (donc c’est un bon thriller) mais du coup on laisse passer des choses – style vulgaire, personnages secondaires un peu délaissés – que l’on n’aurait pas laissé passer dans un autre roman (ce n’est donc qu’un thriller).

Mais je suis un peu sévère sur ce coup-là parce que la romancière fait quand même l’effort  de faire une peinture sociale et psychologique des Etats-Unis actuels. On ressent tout le contexte poisseux et post-apocalyptique laissé par le sillage de la crise dans le Midwest américain : villes fantômes, idoles de la consommation déchues, êtres privés de sens et réduits à la seule chose qui leur reste, l’entertainment, la consommation encore et toujours, ou alors le désir forcené d’être parfait et de renvoyer une image parfaite, de ne vivre que pour les apparences

« L’idée que j’avais emmené Amy à la fin de tout m’a traversé l’esprit. Nous faisions littéralement l’expérience de la fin d’un mode de vie, une expresion que je n’aurais jusque là appliquée qu’à des tribus de Nouvelle-Guinée ou des communautés d souffleurs de verre dans les Appalaches. La récession avait signé l’arrêt de mort du centre commercial. Les ordinateurs avaient signé l’arrêt de mort de l’usine Blue Book. Carthage avait fait faillite, sa ville jumelle, Hannibal, cédait le terrain aux sites tourstiques plus bariolés, plus criards, plus caricaturaux. Le fleuve Mississipi se faisait dévorer à rebours par des carpes asiatiques, qui remontaient le courant jusqu’au lac Michigan. L’Epatante Amy, c’était fini. C’était la fin de ma carrière, la fin de la sienne, la fin de mon père, la fin de maman. La fin de notre mariage. La fin d’Amy. » (p. 191)

(Pour info, Hannibal c’est la ville natale de Mark Twain !)

« Les apparences » de Gillian Flynn, Le Livre de Poche, 2012, p. 687


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