Mon ame par toi guerie - 4/10

Par Aelezig

Un film de François Dupeyron (2013 - France) avec Gregory Gadebois, Jean-Pierre Darroussin, Marie Payen, Philippe Rebbot, Céline Sallette

Film de gens qui vivent.

L'histoire : Des gens très très modestes qui vivent dans des mobile-homes. Un père vieillissant qui ne se remet pas de la mort de son épouse ; son fils, qui a hérité du don de guérisseur de sa mère mais ne veut pas l'utiliser, occupé à sortir la tête de l'eau (divorce) et à trouver une vraie compagne ; la voisine et son bonhomme, amoureux un jour, déchirés toujours... Un jour, l'homme au don renverse un enfant avec sa moto. Il se décide enfin à utiliser son don sur le petit, dans le coma à l'hôpital.

Mon avis : Encore les mystères des critiques. J'avais découpé l'article du Studio : 4 étoiles. Et encore une énorme déception. Mais cela vient sans doute de mes aspirations à moi, ce n'est pas le genre de film que j'aime et je n'ai pas du tout adhéré, ça m'a même grave déprimée. Sinon, c'est très bien fait, très bien interprété, de ce côté-là, nickel.

D'habitude, j'aime bien les losers, qui ont toute ma tendresse, puisqu'ils sont méprisés alors qu'ils se débattent dans un monde qui veut les broyer. Mais j'aime les losers "magnifiques" justement, qui font des choses, qui râlent, qui s'interrogent, qui désespèrent, qui rient, qui pleurent, qui se mettent en colère... Ici, ils font tous la même tête de blues du début jusqu'à la fin. C'est triste à mourir. Et ce n'est pas la fin, très convenue, qui va nous redonner le sourire, parce que ce couple, franchement, ça fait pas rêver... En plus on se demande bien en quoi elle va guérir son âme, cette alcoolique au troisième degré (oh zut, je spoile, c'est ballot...). Et guérir quoi au fait ? Il n'a ni plus ni moins que les mêmes problèmes existentiels que tout un chacun. Un film de gens qui vivent, quoi.

Et puis il y a plein de choses que je n'ai pas aimées du tout : le veuf qui se remet en ménage plutôt vite après la mort de sa femme (ça m'a toujours choquée ce genre de truc, mais bon, ça aussi c'est peut-être perso) ; la voisine qui ne sait pas ce qu'elle veut et son mari laid et détestable à tous points de vue ; la scène au début, avec l'accident : on pense que ce sera la trame principale de l'histoire, pas du tout, on ne saura jamais ce qu'il advient du petit garçon. D'ailleurs tous les gens que le Freddy "soignent"... on ne sait jamais s'il les guérit ou pas. Bizarre.  

Cette histoire de don était une bonne idée, originale en plus, d'autant que Dupeyron y apporte une deuxième dimension : l'interrogation de celui qui l'a reçu en héritage. L'homme n'en veut pas, mais il explique que, finalement, il s'impose à lui et il se sent obligé d'en faire profiter les autres. Il y avait une belle thématique à développer, conduisant sur des questions spirituelles : pourquoi ce don, d'où vient-il, que dois-je en faire, y a-t-il un Dieu ? Tout ça n'est que très vaguement suggéré, pas du tout développé. Au final, ça semble n'avoir été qu'une anecdote pour rendre un peu différente cette histoire de pauvres gens avec leurs problèmes.

Déprimant, je vous disais.

Par contre, dans tout ça, au milieu de ces très bons acteurs, il faut dire, vous avez un diamant brut : Céline Sallette. Je n'ai pas encore eu l'occasion dans ce blog de dire tout le bien que je pense d'elle. Il irradie de son visage et de son jeu quelque chose de tellement vrai, d'authentique. Je pense qu'elle est de la trempe de ces immenses actrices, comme Romy Schneider ou Gena Rowlands qui vous laissaient atomisés, sans voix. J'espère qu'elle va trouver de grands rôles, de très grands rôles, à la mesure de son talent.

A noter une bande-son sympa mais un poil agressive, qui rappellera de bons souvenirs à certains : Nina Hagen, par exemple.

Il paraît que le réalisateur a galéré pour monter son projet, aucune chaîne ne voulant investir sur ce scénario jugé non abouti (adapté d'un roman de Dupeyron). Euh... ils avaient peut-être raison. Ils deviennent forts, les mecs de la télé ! Finalement Dupeyron, qui voue désormais une haine farouche aux producteurs télé qu'il traite de "soviétiques", s'est trouvé un financier indépendant. Il aurait adressé une supplique aux journalistes à la sortie du film : ""J’ai une faveur à vous demander, vous, les journalistes, la Presse. Aidez-nous ! Entendez ces mots comme un cri. Faites savoir ce contre quoi on doit se battre (…) Aidez-nous ! On a besoin de vous pour retrouver un minimum de liberté, et de dignité." D'où les critiques si élogieuses ? Non, par pitié, dîtes-moi que c'est faux ! On soupçonne depuis longtemps le "copinage" entre réalisateurs et critiques ciné... si cette anecdote est vraie, elle le confirme.

Car oui, la plupart des critiques sont dithyrambiques. Il paraît que ça parle de rédemption (ah bon ? j'ai dû louper un chapitre ; ou alors c'est à cause du gosse, au début ? mais c'était un accident...), de fantastique (guérisseur, c'est du "fantastique" ?), que c'est symboliste, réaliste, poétique. Bon, if you want. Moi je serais plutôt comme Critikat : "Avec la lourdeur et la quête d’un symbolisme excessif qui caractérisent la majeure partie de son cinéma, François Dupeyron semble chercher une stylisation dans le seul but de se démarquer du tout-venant, sans vraiment se soucier de sa pleine cohérence et surtout de sa justification."

Les spectateurs sont beaucoup moins enthousiastes, déclarant pour beaucoup s'être colossalement ennuyés. Il faut dire que ça dure 2 heures... 122.000 entrées. Pas terrible.