Rendons-nous à l'évidence, il est peu probable que, lorsqu'elle aura 10 ans, les goûts musicaux de ma fille convergeront avec les miens, selon un principe à peu près sûr, qui veut que les enfants aient besoin de s'opposer pour s'affirmer. Il me reste donc quelques années pour essayer de me mettre à tout ce que je n'écoute pas, faute d'envie et d'intérêt.
Un bon point de départ semble être Tokio Hotel. Groupe que j'ai découvert l'été dernier en allant faire des courses sur un marché en Haute-Loire. J'explique : à côté des marchands de fourme, de brugnons et de saucissons, accrochée aux étals des vendeurs de vêtements qu'on ne trouve que sur les marchés, entre un blouson à l'effigie de Johnny Haliday et une collection de T-shirts noirs à têtes d'indien, une collection de sweat-shirts à capuche arboraient des visages et un nom qui ne me disaient rien (enfin, presque, le gars devant avait tout de même un petit air de Brian Molko après un bon lifting). C'étaient eux. Tokio Hotel. Et non Tokyo Hôtel, parce qu'en fait c'est de l'allemand et pas du français.
Diantre, pour que je découvre que les gens d'Yssingeaux s'intéressaient à un groupe qui chante en allemand, il fallait croire que j'avais décidément bien déconnecté du monde des jeunes. Renseignements pris, la légende raconte qu'il y a maintenant, depuis quelques années, des queues devant les salles de cours pour apprendre la langue d'outre-Rhin. Même le très sérieux Goethe Institut propose des exercices sur le groupe. La mythologie du phénomène de société est alimentée par des blogs surréalistes, des groupies déchaînées, un succès peu compréhensible d'un point de vue purement cartésien, tout un tas de gens pour dire que c'est du gros n'importe quoi, tout un tas de gens pour dire que non c'est même pas vrai, et des histoires de fans qui font des pétitions pour que le groupe vienne jouer dans leur ville (même à Mende, c'est dire).
Et c'est là qu'on se dit que le Luxembourg est décidément un pays de privilégiés. Non seulement on peut plus facilement comprendre les paroles du groupe, puisque tous les enfants d'ici apprennent à lire en allemand, mais en plus le groupe va venir demain à la Rockhal, sans qu'il y ait eu de pétition (pourtant Esch-sur-Alzette, c'est pas beaucoup plus grand que Mende). Quelle chance !