Baby Babel

Publié le 07 avril 2008 par Cyrilboyer


Quand vous arrivez ici, on vous dit : "au Luxembourg, c'est facile, tout le monde parle le français, l'allemand et l'anglais. Y en a même beaucoup qui parlent aussi le luxembourgeois, le portugais et l'italien". Tout ça en même temps ? Ca doit être limpide comme un formulaire de déclaration d'impôts. En fait, la répartition de l'utilisation des langues est assez subtile, même si, en général, vous pouvez partout parler français, dans le sud du pays et à la Stadt en tout cas. En fait, tout dépend du contexte :

  • Les lois sont en français, héritage du code civil napoléonien.
  • A l'école, si on excepte les écoles française, européenne, internationale ou américaine, la langue de référence est d'abord le luxembourgeois, puis l'allemand pour apprendre à lire, et le français.
  • Au guichet d'une administration, vous parlez luxembourgeois, allemand ou français. l'anglais est assez souvent compris. De toute façon, vous pouvez râler dans la langue que vous voulez, il vous manquera toujours le formulaire E128-B. Les formulaires, justement, sont disponibles dans plusieurs langues, y compris le portugais et l'anglais, qui ne sont pas des langues officielles mais comme on a échappé aux ayatollahs flamands, on part du principe que les langues sont des outils de communication et non d'opposition.
  • A la caisse d'un supermarché, vous parlez français. Sauf chez Cactus et Alima où le luxembourgeois marche toujours assez bien. Dans votre caddie, les étiquettes des produits sont en français et en néerlandais, la plupart des fabricants considérant que nous appartenons au Bénélux, ce qui n'est pas faux, notez. Cela vous permet d'enrichir votre vocabulaire hollandais d'expressions très utiles, quoi que pas évidentes à replacer dans un plan drague avec Karen Mulder : "bescherming","ten mindestens houdbar", "gebruiksanwijsing" ou "sinaasappelsap".
  • Lorsqu'un policier vous arrête, il paraît que l'amende est susceptible d'être réduite si vous lui répondez en luxembourgeois, il y aurait même certains officiers de la police grand-ducale prêts à fermer les yeux sur des infractions aussi graves que rouler à 52 km/h en agglomération...
  • Les panneaux de signalisation sont en français, les panneaux indicateurs des villes et des rues sont souvent sous-titrés en luxembourgeois, un peu comme en Provence ou en Bretagne.
  • Les magazines dans les salles d'attente des médecins sont en allemand, mais comme ils datent de 1987, on s'en fiche un peu.
  • Les journaux gratuits sont en français, les payants étaient en allemand (il en existe maintenant en français), et les magazines locaux (Revue, Autojournal) en allemand et parfois luxembourgeois. Le bulletin municipal de la capitale est multilingue, français, allemand, anglais selon les articles.
  • A la télé, vous devez passer par le câble (ou la parabole) et vous captez donc les chaînes hertziennes françaises, belges, allemandes, Eurosport en allemand ou en français selon le câblo opérateur qui sévit dans votre quartier (vous n'avez pas le choix), MTV en hébreu ou en allemand selon la même répartition, ainsi que les 2 RTL locales en luxembourgeois (sous-titrées parfois en français), CNN, la RAI uno, la TPE, la RTP et d'autres chaînes exotiques, pleines de documentaires animaliers et d'émissions culinaires, que je n'ai vues qu'une fois, le jour où j'ai réglé ma télé.
  • Au cinéma, les films sont en VO, sous-titrés en français et néerlandais. Ca a l'air barbare, mais on s'y fait. Sauf les films pour enfants, qui peuvent être doublés en allemand, sans sous-titrage pour les parents qui se sont trompés de séance et n'ont pas eu la chance d'apprendre à lire dans la langue de Tokio Hotel. A la cinémathèque, de temps en temps, on a aussi des VO non sous-titrées, dur dur.
Mais la palme du multilinguisme revient sans conteste aux Institutions européennes, hébergées en partie ici, où on l'on traduit, publie, écrit, corrige, édite plus de 20 langues en permanence, y compris l'indispensable gaélique et le très répandu maltais, mais pas le luxembourgeois !