Dans le numéro #13 de Paris Tonkar magazine, nous vous présentions les productions du graffeur Kens. Il est désormais temps d’en savoir un peu plus en lisant son interview.
Comment as-tu découvert le graffiti ?
Kens : Le graffiti je l’ai découvert en 2003 à l’occasion d’une fresque collective avec le crew ARM. Ça a été mon premier contact avec la bombe, avant je faisais juste ça sur du papier, sur les feuilles de cours. Je n’étais qu’au collège mais le dessin des lettres me parlait. Après j’ai été au lycée avec Naja, Sinke, Nok et d’autres. J’en ai découvert un peu plus sur le graffiti, au rythme des va-et-vient sur le RER D. Je me suis mis à flâner régulièrement dans les terrains abandonnés pour peindre ou prendre des photos. Ensuite j’ai vécu quatre ans à Orléans où j’ai rencontré pas mal de personnes du milieu hip-hop (des writers, des mcs, des beatmakers…) dont Guliver et Heady qui m’ont aidé à poursuivre dans cette voie. J’ai rejoint le game crew et l’entité LF. J’ai beaucoup peint là-bas, la scène graffiti est vraiment dynamique et c’est là que je me suis émancipé. Je suis également attiré par la calligraphie, par le trait. C’est un mode d’expression qui m’a toujours parlé et que j’ai essayé d’investir sur toile. Pour les références si je dois citer un nom ce serait Marko 93 que j’ai rencontré en 2013. Notre passion commune pour le trait et la calligraphie nous a conduits à peindre ensemble. Dernièrement, Soklak m’a fait rentré MCZ, je me suis toujours bien senti avec l’ancienne génération, j’essaye de marcher avec eux, de prendre le relais.
Peins-tu souvent avec d’autres personnes ?
K : Le plus souvent je suis seul, mais j’aime beaucoup bien peindre avec d’autres gens. Après on ne peut pas se voir tout le temps, on a tous notre vie. On doit rechercher l’unité, adapter son travail… C’est au contact d’autres personne qu’on peut évoluer. Sans les autres on n’est rien.
As-tu exposé en galerie ?
K : Ouais, j’ai fait des expos, en collectif le plus souvent. Je préfère présenter mon travail autrement que sur internet. Après l’idéal ce n’est pas forcément la galerie, plus la rue.
Et qu’est-ce qui te plait le mieux entre le vandale et les terrains tranquilles ?
K : Je ne sais pas trop ce que préfère mais c’est vrai que c’est différent. Maintenant j’essaye plutôt de faire de belles recherches graphiques, tout seul ou à plusieurs. Pour autant je préfère être instinctif, décrire le moment, être dans l’instant.
Le tag est aussi plus proche de la calligraphie que le graff.
K : Oui c’est sûr. Le graff m’intéresse moins mais parallèlement je fais aussi quelques travaux de décoration. C’est autre chose, plus pour plaire aux gens et moins dans la démarche personnelle. C’est bien d’avoir les deux au final.
Est-ce que le terme de calligraffiti te parle ?
K : Complètement. Je suis persuadé que le graffiti c’est une forme de calligraphie, avec la typographie aussi, même si ça m’intéresse moins.
[Kens est devenu ambassadeur du groupe Calligraffiti depuis l’interview – NDLR]
Tu produis peu dans la rue mais ton travail y est très soigné, ce n’est pas forcément la pratique la plus courante du tag qui consiste souvent à être le plus présent possible.
K : Ouais, j’essaye d’aller un peu plus loin que ça. Je peins moins dans la rue mais je ne cherche pas à simplement marquer mon nom, je trouve ça un peu pété. Il faut qu’il y ait plus. Je ne suis pas trop « graffiti game » même si l’énergie vient peut-être de là aussi.
Relies-tu le graffiti au hip-hop ?
K : Bien sûr, pour moi ça fait partie intégrante. On suit le mouvement, qui comprend rap, graffiti, djing, beat-box…
Du coup est-ce que tu pratiques d’autres disciplines ?
K : Ouais j’ai des projets musicaux en cours. Mais je préfère prendre mon temps, essayer de faire les choses bien.
Et au niveau pictural, t’intéresses-tu à d’autres arts que le graffiti ?
K : Beaucoup aux arts ancestraux en fait. Aux vrais arts premiers, comme quand on peignait sur les murs avant. Au niveau de l’art abstrait j’aime beaucoup Soulages. Mais j’ai beaucoup d’influences variées, j’essaye de condenser ce que j’ai vu, ce qui m’a plu, et d’y mettre ma patte.
Des intentions particulières pour 2016 ?
K : Les affaires sont à suivre dans divers projets, en espérant que l’inspiration traîne toujours dans le coin !
Interview : Florent Laville / Crédit photos : Kens