Les millennials arrivent en masse sur le marché du travail. Décryptage des motivations de cette génération façonnée par les outils digitaux et son rapport au monde du travail.
Sur le marché de l’emploi américain, les 18-34 ans sont en passe de devenir la tranche d’âge la plus représentée (presque un tiers des actifs). D’ici 2020, la génération Y devrait représenter 50 % de la main d’oeuvre mondiale, . On pourrait s’interroger, l’heure de la supériorité numérique venue, sur le rapport au travail des « millennials ». Arborent-ils une relation au travail différente de leurs aînés ? Si l’exercice de dépeindre les caractéristiques propres à une génération se ramène souvent à faire l’état de stéréotypes, il semble néanmoins intéressant d’identifier des éléments de contexte permettant de mieux appréhender certaines postures et comportements adoptés par les représentants de la génération Y et peut-être favoriser un meilleur vivre-ensemble - intergénérationnel - au travail.
Pour 77 % des membres de la génération Y interrogés pour les besoins de l'étude Deloitte, le but poursuivi par leur entreprise est en partie la raison pour laquelle ils l'ont rejointe (Crédits : Deloitte)
Donner du sens à ses expériences professionnelles
Une récente étude menée par Deloitte met en lumière l’importance qu’attachent les «millennials » au but poursuivi par l’entreprise qui les embauche. En effet, 77 % des personnes sondées estiment que la vision globale de leur entreprise est la raison principale pour laquelle ils l’ont choisie. Sensibles à l’impact de l’organisation pour laquelle ils travaillent, ils sont aussi en quête perpétuelle de sens comme le soulevait déjà, il y a plusieurs années, un sondage réalisé par Steelcase Workspace Futures.
Évidemment, le besoin de donner du sens à son travail n’est pas simplement l’apanage des nouvelles générations. Néanmoins, l’histoire peut en partie expliquer l’importance particulière que celles-ci y attachent. En effet, les parents de la génération Y ne sont autres que les baby boomers, dont l’entrée sur le marché du travail s’est déroulée lors des 30 Glorieuses. Les conditions économiques de ces temps favorables ont alors permis aux baby boomers des pays développés de se construire une carrière stable. La sécurité de l’emploi mais aussi une qualité de vie supérieure à leurs propres parents les ont bercé. Aujourd’hui, la génération Y doit faire face à une situation économique différente, un marché du travail saturé, tout en ayant baigné dans l’optimisme de leurs aînés. De surcroît, les « millenials » incarnent à n’en pas douter la génération du « moi ». Comme le remarque l’écrivain Cal Newport dans un billet paru dans le Harvard Business Review, l’outil Google Ngram Viewer, qui permet de visualiser l’évolution de la fréquence d’un ou plusieurs mots au fil du temps, révèle qu’en langue anglaise, la phrase «suivre sa passion » a connu une recrudescence de son emploi dans les « Google books » au cours des 20 dernières années. De plus, alors que l’expression « une carrière sécurisée» semble lentement tomber en désuétude, « une carrière épanouissante » apparaît de plus en plus dans les écrits.
Parvenir à donner un sens à ses actions est fortement lié à la performance individuelle et à la satisfaction au travail. En vert, les individus sensibles au but final de leurs actions. En gris, les individus moins sensibles au sens du but à atteindre. (Crédits : Deloitte)
Un conflit technologique plus que générationnel
Rappelons également que la génération Y rassemble les «digital natives », enfants de la révolution internet, pour qui la familiarisation avec les technologies s’établit de manière intuitive, via l’expérimentation. Mais il s’agit également d’une génération habituée à évoluer parmi un flux d’informations constant, accessibles immédiatement. Comme l’explique Marylène Delbourg-Delphis, serial entrepreneuse et passionnée de linguistique : « Le monde de la grande entreprise a sans doute été habitué, de par sa structure hiérarchique, à abriter des collaborateurs concentrés sur la réalisation de leur tâche sans en demander plus - voire, sans en vouloir plus. Or les ‘millennials’ ont envie d’être le porte parole de ce qu’ils créent au sein de l’entreprise, de porter le flambeau en quelque sorte, et surtout d’être passionnés. Il y a ainsi énormément à faire pour expliquer aux générations antérieures que la passion que veulent avoir les ‘millennials’ pour leur travail n’est pas une mise en question de l’autorité mais plutôt un désir de participer à la valeur de l’entreprise et de l’accroître. Les ‘millennials’ et les générations antérieures usent de structures linguistiques différentes. La génération Y a été formée au message texte. Et dans un texto, on va droit au but. La rapidité de communication des ‘millennials’ n’est pas une forme d’impertinence mais une forme d’expression linguistique liée aux technologies avec lesquelles ils sont nés. C’est un changement radical des codes de la communication, par rapport à l’éducation académique traditionnelle. Il ne s’agit donc pas là d’un conflit de génération mais d’un clivage lié à l’évolution digitale ».
Bon nombre d’entreprises voient cohabiter génération Y et générations antérieures. Et si contribuer ensemble au développement de l’entreprise ne se déroule peut-être pas toujours sans friction, chacun est amené à tirer de riches enseignements de cette collaboration. La communication, facilitée par les outils digitaux, doit permettre de fluidifier les relations au travail et rendre possible une équilibre harmonieux des énergies tout comme rendre possible la création d’un environnement de travail au sein duquel tout collaborateur peut s’épanouir, quelque que soit son âge et sa relation à la technologie.