"Incapable de m'affranchir tout à fait du réel, je produis une fiction involontaire, je cherche l'angle qui me permettra de m'approcher encore, plus près, toujours plus près, je cherche un espace qui ne serait ni la vérité ni la fable, mais les deux à la fois.
Je perçois chaque jour qui passe combien il m'est difficile d'écrire ma mère, de la cerner par les mots, combien sa voix me manque."
Delphine De Vigan tente de retrouver sa mère, via des entretiens qu'elle provoque avec les soeurs et connaissances de Lucile, via les documents qu'elle récolte, via le récit qu'elle entreprend dans son livre. Sa mère était une jolie petite fille, dont l'image a été utilisée autrefois pour des photos publicitaires, un des membres d'une fratrie nombreuse, bruyante et joyeuse. Et puis, les drames se sont enchaînés dans la famille Poirier, avec la mort des frères, ne réduisant pas l'effervescence et le tapage, mais posant sur le tout, sur tous, une couche de tristesse indélébile.
Comment expliquer la vague de suicides dans cette famille ? Comment expliquer la perte de repères, la chute, la maladie mentale que l'on soigne à coups de médicaments ? Comment faire le portrait le plus juste d'une femme fragile qui fut sa mère ? Delphine De Vigan réussit brillamment à explorer la vie de Lucile tout en parlant de ses doutes, de ce que cette écriture remue en elle et dans sa famille. J'ai été bouleversée par ce récit. Je ne m'y attendais pas. Et j'ai aimé également voir le livre en train de s'écrire, les hésitations, les ajouts et les renoncements de l'écrivain, les choix littéraires qui lui permettront de rester fidèle à son projet. Beaucoup de thèmes sont abordés dans ce livre foisonnant et fort qui brosse également quelques époques, différentes par leurs moeurs et leurs exigences. Rien ne s'oppose à la nuit croit avec puissance au pouvoir de la résilience, mais il est avant tout un hommage vibrant, et une très belle déclaration d'amour, sincère, prudente et bienveillante. Un coup de coeur évident et extrêment émouvant.
Lu sur ma liseuse mais disponible en format poche aux Editions du Livre de Poche - 7.60€ - janvier 2013
Prix Renaudot des lycéens 2011 - Prix roman France Télévisions 2011 - Grand prix des lectrices de Elle 2012
Lu également Les Heures souterraines
Ce livre a été très présent sur la blogosphère mais c'est Saxaoul qui a été la dernière tentatrice en relisant ce titre en version audio. [clic ici]