Mais il faut savoir se bouger un peu quand les circonstances l'exigent.
En l'occurence Lapidée mérite très largement d'être vu. D'abord parce que la direction d'acteurs est exemplaire. Ensuite parce que la pièce est très bien écrite. Enfin parce que sur un sujet délicat toute l'équipe parvient à faire vivre l'émotion sans tomber dans un pathos exacerbé.
La programmation de Lapidée par Christophe Segura, le nouveau directeur du théâtre depuis le 1er juillet dernier, est courageuse et prend tout son sens. La fonction première du théâtre n'est pas que de divertir mais de bousculer les consciences et Lapidée soulève une forme d'exécution archaïque et monstrueuse encore pratiquée de nos jours dans une quinzaine de pays.
Si les victimes sont majoritairement des femmes les hommes ne sont pas épargnés. L'histoire commence comme un beau roman :
Aneke est hollandaise et étudie la médecine à l’Université de Maastricht. comme un étudiant yéménite, Abdul. Ils se marient et décident d'aller vivre au Yémen. Les premières années sont heureuses, mais après la naissance de leurs deux filles, Aneke décide de ne plus avoir d’enfant, afin de se consacrer à son métier de médecin. Ce n’est pas dans la Tradition, surtout sans héritier mâle…La pression du village et des religieux, et surtout de sa propre mère, pousse Abdul vers ce qu’il pense être LA solution; il épouse une deuxième femme. La réaction d'Aneke est vive, et elle commet la grave erreur de l'exprimer en public ! Abdul est dès lors forcé de réagir.La pièce commence à ce moment là. Abdul exige que sa femme lui remette son téléphone, son passeport et ses clés en vociférant que, dans ce pays, il y a un sens de l'honneur.
Abdul (rôle difficile endossé par Karim Bouziouane) pourrait fléchir s'il ne se sentait pas si coincé par les exigences de sa culture d'origine.
Les femmes se sont réfugiées dans leur coutume pour condamner Aneke, puis elle l'ont adoptée. Toutes, sauf une, sa belle-mère à qui elle n'a jamais rien demandé, sans doute par fierté. Il n'aurait pas fallu qu'elle soit si droite dans ses convictions.
Aucune alternative ne sera acceptable par tout le village. Aneke est prise au piège. Seule la force d'opinion internationale pourrait inverser le cours du destin. Avec un père avocat, une mère journaliste, Aneke devrait bénéficier d'une médiatisation positive. Elle y croit, et nous aussi lorsque s'élèvent des clameurs.
Une voix off rappelle que la lapidation est encore pratiquée en 2016 dans des pays dont les noms sont égrenés, faisant écho à la voix de Roland Giraud qui, une heure trente plus tôt présentait la région comme l'ancien royaume de la reine de Saba. Son miel vaut de l'or, la musique envoute et la cuisine est raffinée.
Texte, mise en scène et lumières : Jean Chollet-Naguel
Distribution : Nathalie Pfeiffer, Pauline Klaus, Karim Bouziouane
Voix off: Roland Giraud
Du mercredi au samedi 19h30
Dimanche 15h
Au moins jusqu'en avril 2016
à la Comédie Bastille
5, rue Nicolas Appert
75011 Paris
Tél : 01 48 07 52 07
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Ludovic Lisee