Ce sont tous les trois des artistes qui ont un talent immense et ils sont souvent d'autant meilleurs qu'ils sont animés de sentiments fort peu aimables à l'égard des caricaturés... Il faut donc un sérieux sens de l'humour pour les gens au pouvoir aujourd'hui pour supporter leurs idées dévastatrices...
C'est ainsi que Paz et Rudy nous représentent une audience où Macri court derrière le pape qui lui tourne ostensiblement le dos, ce qui est tout à fait faux puisqu'au contraire, l'entrevue s'est passé avec une grande courtoisie.
Macri : C'est pas vrai que je fais les choses sans consulter personne. Le Pape (ou un prélat de l'antichambre, ce n'est pas le visage habituel que Paz donne à François) : Vous m'en direz tant ! Macri : J'ai montré le décret à Balcarce [son chien] (1) et comme il a remué la queue, je l'ai mis à exécution. © Traduction Denise Anne Clavilier
Miguel Rep, quant à lui, a inventé au début de l'été un nouveau personnage, le Birrey (deux fois roi), un jeu de mots avec "virrey", vice-roi, titre que portaient les plus hauts fonctionnaires de l'administration coloniale avant l'indépendance et qui est en exécration dans le souvenir populaire. Les deux termes se prononcent à peu près de la même façon, même s'il existe une légère différence toujours audible pour une oreille bien exercée entre le v et le b. Je ne serai pas plus étonnée que cela que l'idée lui ait été soufflée par une interview que Raúl Zaffaroni a donnée à Página/12 où le juriste assimilait le gouvernement actuel à une nouvelle vice-royauté, à cause de la mise en coupe réglée, comme sous un régime de colonisation, de l'économie des pays (pas seulement celles des Etats décolonisés) par les grands groupes capitalistes et la haute finance internationale. Depuis, Rep représente systématiquement Mauricio Macri sous cet aspect grimaçant, carnavalesque (c'est de saison), presque démoniaque et quelque peu rapace (une allusion claire aux fonds spéculatifs qui font chanter l'Argentine avec le règlement de sa dette et que les kirchneristes ont surnommés les fonds vautours, avec lesquels Macri se veut beaucoup plus conciliant que le gouvernement précédent). Quant au long nez, il renvoie certainement à Pinocchio et aux promesses électorales mensongères.
Le pape : Comment allez-vous, Doubleroi ? Macri : Salut, Bergo... Il Papa (2) ... Macri, aux journalistes pendant la conférence de presse (3) : La rencontre a été très chouette, pauv' taré ! Vairi naillece (4) © Traduction Denise Anne Clavilier
(1) Allusion à une photo du chien, Balcarce, assis dans le fauteuil présidentiel que Macri a fait l'erreur de publier sur Twitter pendant l'été. Je dis erreur parce que publier cette photo manquait du plus élémentaire respect pour le symbole qu'est ce fauteuil (meuble précieux qui mérite d'être traité avec soin) et ça va le suivre pendant quatre ans. C'est comme un certain "Casse-toi, pauv'c. !" de qui vous savez. Qui plus est, il a choisi pour son chien le nom d'une des plus illustres familles de la guerre d'indépendance, quatre frères qui furent des héros militaires. Ce qui est en soi déjà un manque de respect pour la gloire politique du pays. Mais c'est aussi l'adresse de la Casa Rosada. (2) Pour faire bonne mesure, Rep le fait parler en italien. Une manière, pas très fair-play et pas très fine, de rappeler que son père, Francesco dit Franco Macri, est né à Rome (il porte le prénom que le pape a choisi pour son pontificat) et qu'il a la réputation d'avoir été fasciste, ce qui est un mensonge. L'homme est né en 1930, il avait 13 ans à la chute du Duce. Il est certain qu'il a fait partie des jeunesses fascistes. Il ne peut pas en avoir été autrement sous ce régime totalitaire. Cela n'en fait pas un fasciste patenté qui aurait quitté l'Italie pour échapper à la purge après la victoire des Alliés : il est arrivé en Argentine en 1949... (3) Il est bon de noter aussi que pour la première fois, pour cette conférence de presse, les journalistes avaient été invités à se faire accréditer librement et directement auprès de la représentation diplomatique argentine près le Saint Siège, et non pas auprès du secrétariat général de la présidence qui, sous le gouvernement précédent, se gardait bien d'accréditer les journalistes qui lui déplaisaient. Et la présidente partait avec une armée de militants et de proches, sans aucun représentant du moindre autre courant politique que le sien. Par conséquent, tant la conférence de presse que la composition même de la délégation officielle correspondent à un progrès indéniable de la démocratie, même si la politique sociale de ce gouvernement est largement critiquable... (4) Il lui fait parler anglais lors de sa conférence de presse, avec un accent argentin à couper au couteau, comme il l'avait montré à Davos. Encore avait-il eu le courage alors de s'exposer en réveillant l'anglais de sa jeunesse d'étudiant aux Etats-Unis alors que Cristina ne le faisait jamais (parce qu'elle ne maîtrisait pas assez la langue). "Beri Nais" : very nice.