En signant Sixième sens, M. Night Shyamalan a gagné le respect du public et de la critique. Maitre du twist, considéré par certains comme un héritier d'Hitchcock et par d'autres comme un imposteur. Incassable, Signes, Le Village ou La jeune fille de l'eau étaient autant d'occasion de remettre le débat sur le tapis. Avec Phénomènes, la presse est très mitigée. Ratage ?
La critique
Un film intéressant, entre subtilités et fautes de goût...
Un après-midi à priori tranquille à Central Park. Deux jeunes femmes discutent, les passants s'arrêtent soudainement et radotent des phrases aussi différentes qu'étranges. Puis soudain tout le monde se suicide. Un phénomène étrange qui se propage aux environs. Non loin de là, le professeur de Sciences Elliot Moore (Mark Wahlberg, un peu trop lisse) apprend la nouvelle et est, comme tous les habitants du coin, pris de panique. Il décide de fuir la ville avec sa femme Alma (Zooey Deschanel, délicieuse en douce folle) ainsi qu'un collègue et sa petite fille. Mais le phénomène , inexplicable, se propage de plus en plus. Elliot, Alma et la petite fille continuent leur fuite alors que le père tente de retrouver , en vain, la trace de sa femme. Mais quelle est la raison de ce phénomène étrange ? Un homme lance l'hypothèse qu'il serait question d'une revanche de la nature, qui secréterait des toxines atteignant le cerveau humain et engendrant dépression et envie immédiate de mettre fin à ses jours. A force de sacrifier la nature, l'homme serait-il désormais réduit à en subir la terrible vengeance ?
Autant avertir directement les fans du cinéaste : pas de twist dans ce nouvel opus. L'explication au fameux phénomène ne sera d'ailleurs jamais explicitement donnée , bien que fortement insinuée. La nature prendrait donc bel et bien sa revanche et vu que cette dernière reste encore pleine de mystère, il est tout simplement impossible de lutter. Faux film catastrophe, Phénomènes parvient à insaurer de la tension en ne filmant que des arbres ou de l'herbe qui bouge au gré du vent. Vous ne regarderez plus la plante du salon du même oeil. Reconnaissons donc à M. Night Shyamalan un véritable don pour créer de la tension et du suspense autour de franchement pas grand chose. Autre point positif : le concept même du film qui veut que les gens soient subitement pris d'une envie irréprescible de se donner la mort. Idée à la fois glauque et terriblement cinégénique, qui donne lieu à de très beaux moments de cinéma (et en plus les morts sont assez inventives). Les détracteurs du cinéaste ne pourront pas non plus lui reprocher de se prendre trop au sérieux, cet opus étant indéniablement l'oeuvre la plus drôle (et c'est totalement voulu) qu'il ait jamais signé. Bien que très premier degré, Phénomènes fait ainsi la part belle aux respirations comiques qui visent à désacraliser un héros un peu trop parfait et à se moquer de sa difficulté à combler de joie sa petite amie doucement fêlée (lors d'une tordante scène de ménage, les deux tourtereaux s'engueulent car celle-ci a juste pris un dessert avec un autre homme).
Mais si Shyamalan se moque pas mal de ce couple en pleine déroute, il place cette fois-ci l'amour au coeur de son intrigue. Le personnage d'Alma , comme celui de la petite fille, est un être humain qui intériorise toujours ses émotions et qui prend bien soin de ne rien laisser transparaitre en public. Elliot, pour sa part, porte avec nostalgie une bague liée à leur rencontre qui est une de ces fameuses babioles qui sont censées refletter les passages d'une humeur à une autre. Et dans le fond il n'est question que de cela. Progressivement, nous nous rendons compte que les victimes du phénomène sont des personnes qui se déplacent en grand nombre. C'est alors comme si la nature frappait les "envahisseurs", les gens de la ville qui l'ont enfermée dans des parcs publics de plus en plus artificiels. Et il est assez osé d'avancer que l'envie de suicide vient de la vie en groupe (la vieille dame foldingue de la forêt ne met-elle pas fin à ses jours une fois qu'elle a repris contact avec le monde par le biais d'Elliot et ses deux amies?)
De par tous les points précités, Phénomènes est donc loin du navet que l'on pouvait craindre et bénéficie d'un scénario assez intrigant et malin. Néanmoins, il n'est pas exempt de défauts (et de défauts majeurs). Accidents improbables (exemple de la voiture qui se crashe, tout le monde meurt et le passager de droite en sort intact), fautes de goût assez impardonnables (traditionnel ralenti avec le héros qui crie "nooooon" alors que quelqu'un est sur le point de mourrir ou final à Paris avec une réplique tellement foireuse qu'elle rendrait crédible Audrey Tautou dans le Da Vinci Code), et petites baisses de rythme sont malheureusement au programme. Dommage, pense-t-on car ces Phénomènes nous avaient charmé à bien des egards...
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