Ne vous fiez pas à une couverture. Sérieusement. Celle que les éditions Balafons proposent pour le recueil de nouvelles « L’ombre sous le pont » avait tout pour me désintéresser. Et quand vous êtes en possession d’une pile de livres à lire kilométrique, les arbitrages sont vites faits. La couverture agit dans le subconscient du lecteur que je suis comme une vitrine que constitue également la quatrième de couverture et elles vont inciter ou pas à la lecture. Un matin, je me suis décidé à lire une nouvelle de ce poète ivoirien. Tout de suite, j’ai été pris par l’histoire qui me replongeait dans mes années ivoiriennes. Mon temps passé à Abidjan. La plupart des nouvelles se passe dans ce pays.
On découvre au fil des nouvelles aux chutes diversement réussies, un auteur plein de ressources, de talent et d’humour. La nouvelle Résurrection à Kperedi par exemple s’inscrit dans ce regard en explorant avec facétie l’étonnant retour aux sources africaines d’un couple « mixte » haïtien. Au conflit racial et économique qui oppose les communautés en Haïti, il propose un retour pour le moins déjanté en Côte d'Ivoire. Les plaisirs de la fiction. Comme indiqué, Josué Guébo touche à des sujets différents, évoque la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui avec certains de ces non-dits comme la question des opposants ivoiriens exilés en Afrique de l’ouest ou celle de la défiance de certaines élites ivoiriennes face à la représentation de l’ONU dans ce pays. Guébo interroge des discours de ces élites, les compromissions, les stratégies pour changer la donne ou encore les grandes utopies africaines.
Tout le charme de ce recueil est dans l’alternance proposée par l’auteur ivoirien entre des anecdotes de couples qui mettent en scène les classes moyennes et une format d’état des lieux de son pays. Vous l’aurez compris, la couverture dépassée, vous aurez droit un ensemble de trajectoires, épisodes de vies, anecdotes croustillantes et surtout, ce qui est essentiel, à une très belle plume.
Josué Guébo, L'ombre sous le pontEditions Balafons, Abidjan 2013
Voir aussi la chronique de Marthe Fare