La situation est tellement désolante pour les populations concernées qu'il n'est même pas besoin d'une solution très élaborée – comme celle que la rumeur prête à Uber l'ambition de créer ou celle que propose déjà Clearbanc aux chauffeurs de VTC – pour se positionner. C'est en tous cas le pari que font Moven et Soon, chacune de leur côté de l'Atlantique, en proposant à leurs cibles respectives d'ouvrir, pour leur activité professionnelle, un compte en tout point semblable à celui destiné aux particuliers.
En effet, les avantages qu'elles mettent en avant – identiques aux arguments de toutes les banques 100% en ligne – ont tout pour résonner aux oreilles des indépendants, dont beaucoup n'adoptent ce statut qu'à titre d'appoint : un accès simple et immédiat (sur mobile), 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, une tarification attractive (incluant la gratuité des opérations courantes, y compris la carte de paiement), un suivi des dépenses facilitant le suivi et la gestion comptable… Il n'en faut pas plus pour les satisfaire !
La meilleure preuve de la rupture que représentent ces nouvelles offres est la caution qu'elles reçoivent, de la part du syndicat des « freelancers », partenaire officiel de l'initiative de Moven, et de la fédération des auto-entrepreneurs, qui recommande Soon. Avant leur naissance, les seules solutions pour les indépendants consistaient à utiliser leur compte personnel dans le cadre professionnel ou à ouvrir un compte d'entreprise, dont une partie des services leur est inutile et dont les coûts sont prohibitifs.
Au bout du compte, c'est une recette classique qui s'applique ici : de petits acteurs agiles détectent un segment de clientèle mal servi par les institutions financières et s'en emparent avidement, avec une approche combinant au mieux spécialisation et efficacité « industrielle », rendue possible (et viable) grâce aux technologies modernes. La particularité dans le cas de Moven et Soon est que, d'une part, la niche qu'elles visent compte des millions d'individus et, d'autre part, leur investissement initial est minime, tellement la concurrence leur laisse le champ libre pour s'imposer.
En arrière-plan, c'est peut-être également une vision du monde différente qui transparaît derrière la reconnaissance de la généralisation des modèles d'emploi autonome. Face aux banques dont l'appréciation du client reste fondamentalement basée sur l'archétype d'une carrière suivant une progression linéaire sur une échelle prédéterminée, les nouvelles entrantes auront la partie facile auprès des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux… Encore faudra-t-il qu'elles prolongent leurs efforts et développent leurs offres, pour adresser tous leurs besoins, personnels et professionnels !