Baromètre Harris Interactive / Délits d’Opinion : l’exécutif au plus bas

Publié le 26 février 2016 par Delits
    Délits d'Opinion : François Hollande perd 7 points et Manuel Valls 3. Quelles sont les raisons de cette nouvelle baisse significative du couple exécutif ?

Jean-Daniel Lévy : -7 points de confiance pour le Président de la République, -3 pour le Premier ministre en un mois, respectivement -14 et -12 points depuis novembre dernier, la baisse du couple exécutif est non seulement brutale ce mois-ci, mais également nette et continue depuis les attentats de novembre. Jamais ni François Hollande ni Manuel Valls n'ont suscité aussi faiblement la confiance des Français... et des électeurs du Président. Pour la première fois, moins d'un électeur sur deux ayant voté François Hollande à la présidentielle en 2012 lui accorde sa confiance. Ces derniers ne sont plus que 40% à faire état de leur confiance. Soit 18 points de moins qu'en janvier dernier et 31 qu'en novembre 2015. Le Président se trouve ainsi amputé de près de la moitié du cœur de ses soutiens politiques en trois mois. La clef d'explication se situe essentiellement à ce niveau-là. Pour le Premier ministre, la raison est identique, bien qu'un peu moins marquée. Les sympathisants socialistes - et même les électeurs du Président de la République - lui accordent plus leur confiance qu'à François Hollande. Reste qu'au cours de la période récente, Manuel Valls a vu sa cote perdre 6 points chez les proches du PS et 22 dans cette population depuis 3 mois. Indéniablement le débat sur " l'avant-projet de loi El Khomri " a joué (rappelons que notre enquête a été réalisée alors que la plupart des personnes interrogées n'avaient pas connaissance de la tribune signée notamment par Martine Aubry), 62% des sympathisants socialistes s'y déclarant opposés[1]. Si ce projet de loi n'est que faiblement mentionné, observons la critique virulente, et des accusations que l'on ne voyait pas aussi intenses sur une politique qualifiée par son camp " de Droite ". Si l'on se concentre sur les électeurs ayant voté pour François Hollande en 2012, se déclarant encore proches du Parti socialiste et n'accordant pas leur confiance au Président, de nouveaux termes apparaissent : " Il ne s'est servi du PS que pour se faire élire et trahir le peuple de Gauche ", " Il fait de plus en plus une politique de Droite (je crois même qu'il fait pire que la Droite), il est en train d'assassiner ceux qui ont le moins d'argent et qui ne s'en sortent plus bien qu'ils aillent travailler tous les jours ". Voire une gestion du pouvoir politique non tournée vers l'intérêt général mais en direction de son propre intérêt : " Il a viré à Droite et ne pense plus qu'à sa réélection ".

    Délits d'Opinion : Quelle confiance recueillent les nouveaux entrants au sein du gouvernement ?

Jean-Daniel Lévy : Rappelons que seuls 18% des Français avaient été convaincus par la prise de parole présidentielle sur TF1 et France 2 concernant le remaniement le 11 février dernier[2]. Que la force de conviction avait été plus faible qu'à l'annonce du nouveau gouvernement faisant suite au départ d'Arnaud Montebourg, Benoit Hamon et Aurélie Filippetti. Les nouveaux Ministres (hormis Jean-Marc Ayrault évidemment) se caractérisent, déjà, par une notoriété assez faible. 30% des Français peinent à se prononcer lorsqu'ils sont invités à s'exprimer sur Emmanuelle Cosse, 50% sur Audrey Azoulay, 42% sur Jean-Michel Baylet par exemple. Tous pâtissent d'un différentiel de jugement négatif : la défiance l'emportant sur la confiance. Aucun d'entre eux ne crée, pour le moment, de " choc d'opinion ". Remarquons que l'ancienne dirigeante d'Europe Ecologie Les Verts ne bénéficie de la confiance que de 46% des proches de cette formation politique, quand bien même cette frange de population accueillait favorablement son entrée au gouvernement. Nous sommes là aux confins de la structuration des opinions : les Français ne jugent pas les Ministres que pour ce qu'ils sont mais également pour ce qu'ils donnent à voir dans le cadre de leur action et prises de position mais également au regard de l'écosystème (l'exécutif) au sein duquel ils se meuvent.

    Délits d'Opinion : Parmi les personnalités préférées des sympathisants de Gauche, on retrouve trois femmes, toutes les trois non-alignées sur l'exécutif. Comment l'expliquer ?

Jean-Daniel Lévy : Déjà, on peut remarquer que la " sortie " du gouvernement de Christiane Taubira a suscité plus de réactions positives à gauche que celles, à l'époque, d'Arnaud Montebourg et de Benoit Hamon notamment. Avec respectivement 43% et 49% de confiance, les deux responsables politiques se situent en 8 ème et 4 ème position du " classement ". Observons également que Cécile Duflot (35%, 11 ème position) ne bénéficie pas de sa sortie. Les personnalités en tête ont la triple particularité d'être... des femmes (ce qui montre l'évolution de la société) au Parti socialiste ou n'ayant pas été en rupture avec le Parti socialiste. Toutes trois sont perçues comme des femmes portant des valeurs sans pour autant être dans l'idéologie, et notamment des valeurs de gauche. On a pu voir d'ailleurs que les reproches adressés par les sympathisants de Gauche à l'exécutif se concentraient déjà sur le positionnement politique. Notons, enfin, que Martine Aubry comme Anne Hidalgo - et il y a quelques mois Christiane Taubira - sont en position d'exercice du pouvoir, au moins localement. Evoquer Martine Aubry ne revient pas qu'à parler des 35 heures mais également de Lille. Anne Hidalgo est, évidemment, rattachée à la ville de Paris.

    Délits d'Opinion : Parmi les candidats à la primaire de la Droite et du Centre, seul Bruno Le Maire progresse de quelques points. A-t-il réussi son entrée en campagne ?

Jean-Daniel Lévy : Parmi eux, c'est vrai. On peut également constater parmi les autres personnalités la progression de Jean-Luc Mélenchon (23%, + 4 points). Avec 90% de confiance au sein du Front de Gauche, il parvient à " faire le plein " dans son camp, recueille l'appréciation positive d'un quart des proches du Parti socialiste (26%, +4), sans susciter de mouvement d'adhésion fort chez Europe Ecologie Les Verts (37%, -9).

Il semble y avoir une forme de prime à l'entrée en campagne. Bruno Le Maire le démontre. Avec 2 points de plus de confiance, il arrive à renforcer une partie de son socle (58% des proches des Républicains) et également des forces périphériques (MoDem : 40% +7, UDI 87%, +5), tout en maintenant un niveau relativement élevé au FN (29%, -1). Cette progression est d'autant plus intéressante que l'on peut, dans un même temps, voir la confiance en Alain Juppé (à 46%) baisser de 5 points : perdre 2 points chez les proches de LR, mais surtout 6 à l'UDI et 19 au MoDem. Nicolas Sarkozy (20%, - 2, au plus bas niveau mesuré depuis 2014) voit la confiance exprimée à son égard baisser de 6 points chez les Républicains (65%), et également à l'UDI et au MoDem.

Au final, sachant qu'il ne s'agit nullement d'intentions de vote, 70% des proches des Républicains accordent leur confiance en Alain Juppé, 65% en Nicolas Sarkozy, 62% à François Fillon, 58% à Bruno Le Maire, 43% à Nathalie Kosciusko-Morizet et 27% à Jean-François Copé. Chez ce dernier, son entrée en campagne n'a pas suscité de choc d'opinion. Il perd 2 points de confiance auprès des Français et même 5 au sein de la famille politique qu'il a dirigée.