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Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)

Publié le 13 juin 2008 par Christophe Foraison
Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)J'avais déjà évoqué le thème de la diffusion des Technologies de l'Information et de la communication dans ce précédent billet (voir ici).


Je profite de la parution d'une étude publiée sur le site du ministère de la culture (voir ici
) pour réactualiser les données et prolonger la réflexion sur quelques aspects -plutôt sous l'angle sociologique cette fois, les aspects économiques ont été abordés dans cet article.


Quelles sont les variables qui exercent une influence sur l'utilisation des TIC ?

L'étude met en évidence le fait que les obstacles "traditionnels" à la diffusion des TIC s'atténuent (baisse du coût des équipements, facilités d'usage, offre diversifiée...).
Il n'en demeure pas moins que d'autres facteurs exercent une influence non négligeable.


Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)
Inutile de vous faire de longs commentaires, l'influence des enfants sur le taux d'équipement des ménages en ordinateurs est évidente (cela tombe bien, j'ai trois enfants et 4 PC ^^).

Il y a un écart de presque 20 points avec la moyenne des ménages, la progression continue d'être importante entre 2006 et 2007 (elle est même légèrement plus importante que celle des autres pays de l'UE-27).




Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)

Là encore, deux autres variables jouent un rôle important dans l'utilisation d'internet:

   - le facteur âge: on le savait, les plus jeunes sont des utilisateurs intensifs d'internet, mais on mesure l'ampleur des écarts (surtout à partir de 55 ans).
A remarquer que la France se situe au-dessus des autres pays de l'UE à 15 sauf pour les deux tranches d'âge les plus élevées (55-64 et 65-74 ans).

   - le facteur "éducatif": on peut là aussi parler d'une fracture numérique, même si le rattrapage est en marche (le % de ceux qui ont le niveau d'éducation le moins élevé est en forte progression sur an).
La position de la France est aussi au-dessus de la moyenne.


Quels sont les usages que les particuliers font des TIC ?


Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)
Deux idées me paraissent intéressantes:

   1 / l'usage intensif des TIC (utilisation d'un ordinateur et navigations sur le web) deviennent de plus en plus intense. 51 % des particuliers utilisent leur ordinateur tous les jours ou presque en 2007 (contre 39 % en 2006)

   2 / Lorsque l'on compare les lieux (domicile ou lieu de travail), on s'aperçoit que la progression est plus forte en ce qui concerne le domicile que les autres lieux. Il y a donc une intensification des usages privatifs.


Tu les aimes les TIC, ma puce ? (version 2008)
Personnellement, je suis un peu attristé (mais pas surpris) par la faiblesse de la rubrique activités éducatives formalisées (qui est l'activité ayant la fréquence la plus faible).
Le web, on s'en sert pour rechercher des informations utiles à un achat, et pour communiquer.
A noter la place au-dessus de la moyenne de la France en ce qui concerne les démarches administratives (qui a dit que l'Etat ne se modernisait pas ^^ ?)


Conclusion: un usage des TIC plus intensif, sur un mode privatif (chez soi), influencé par l'âge, le niveau d'éducation et le nombre d'enfants. Deux aspects dominent dans les utilisations: la dimension information-communication-échange d'une part, et l'aspect marchand d'autre part.



Quelles conséquences sur nos pratiques culturelles ?


Un sociologue contemporain, Bernard Lahire
, a développé avec succès l'idée de la montée de la dissonance au niveau des pratiques culturelles (voir cet article d'espace-temps.net pour plus de détails).
Cela signifie qu'un même individu peut se caractériser par la co-existence de consommations culturelles appartenant à des registres reconnus comme très légitimes (la lecture d'oeuvre littéraire classique, l'écoute de l'opéra, la fréquentation des musées d'art contemporain...) et d'autres pratiques culturelles considérées comme nettement moins légitimes (jouer à des jeux vidéos, écouter de la variété, regarder des films de divertissement....).

On peut expliquer ces dissonances par plusieurs facteurs, notamment la mobilité sociale. Lorsqu'une fille d'ouvrier devient médecin, elle aura connu différentes instances de socialisation (milieu familial, relations liées aux études et au groupe professionnel) qui exercent une influence sur ses pratiques culturelles.

Un autre facteur explicatif de la dissonance peut être recherché du côté de la diffusion des TIC dont nous venons de parler.
En effet, internet accentue la privatisation des consommations culturelles (la télévision l'avait déjà entamée), mais en plus le web va fournir une offre abondante quasiment gratuitement.
Que deviennent alors nos goûts culturels lorsqu'on regarde chez soi un film, lorsqu'on écoute de la musique ?
Pour Bernard Lahire, ces nouvelles pratiques sont des consommations de moindre légitimité culturelle car la pression du groupe y est beaucoup moins forte: "la légitimité culturelle est une affaire de normes et l'on sait bien que les normes légitimes sont d'autant plus pressantes et agissantes qu'elles s'exercent en public. Par exemple, on parle d'autant plus correctement que l'on est en public. C'est la même chose pour la culture."

Par conséquent, un individu peut partitionner ses pratiques culturelles:

- en public, des pratiques considérées comme légitimes.
Un cinéphile exigeant se rendra au ciné-club pour voir tel ou tel film (reconnu par ceux qui donnent le "la" en matière de légitimité culturelle: les critiques de Télérama, des cahiers du Cinéma etc...)

- en privé, des pratiques plus "relâchées".
Le même cinéphile regardera à la télévision un film "grand public", sans aucune prétention cinématographique (et il y en a quand même beaucoup ^^). Jamais il n'aurait payé pour aller le voir au cinéma.
C'est la même chose pour la musique. Quelques CD achetés, qui correspondent à des goûts culturels considérés comme légitimes (prescrits par les inrock, libé etc...), co-existent avec des tubes à la mode (dont je tairais pudiquement les noms par respect envers ceux qui ont passé toute leur vie à étudier / faire de la musique)

Un dernier aspect, qui a son importance: la relation marche aussi dans un autre sens.
Quelqu'un qui n'a pas les "titres scolaires" et le capital culturel peut également, par le biais d'internet, découvrir des films d'auteur ou des consommations culturelles considérées comme très légitimes.
Il n'aura pas à subir la pression du regard des autres (ceux qui sont initiés, qui sont dans "l'entre-soi" que l'on rencontre fréquemment dans un musée, une galerie...). Pour lui aussi, c'est plus facile et peu coûteux.

Cette analyse me parait cohérente avec la thèse (déjà largement évoquée sur ce blog,
notamment ici) de la société des individus (Norbert Elias, François de Singly...)

Apparemment, il y en a qui apprécient très peu ce que j'écris, écoutez moi cela ^^. Ils exagèrent pas un peu ?


Découvrez Guerilla Poubelle!


Pourtant le groupe a raison: les individus ont parfaitement conscience des différences de légitimité entre leurs pratiques culturelles.
En effet, ils reconnaissent qu'ils regardent des "séries débiles", qu'ils écoutent de la "musique de supermarché" et savent faire la différence entre des productions de qualité et les autres...

A suivre donc...


Et rémi, lui, il ne fait pas un usage peu légitime du foot dans cette vidéo ? C'est excellent, je trouve... en attendant le match de ce soir ^^


Bon courage à tous ceux qui révisent, c'est la dernière ligne droite avant la philosophie lundi. Tenez bon !


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