Connaissez-vous votre client ?

Publié le 26 février 2016 par Patriceb @cestpasmonidee
Le mois dernier, j'évoquais les 6 clés d'une vision centrée sur le client, celle-ci restant un mythe dans nombre d'entreprises, malgré leurs prétentions. Dans la même veine, Jake Sorofman (Gartner) insiste sur l'une des plus importantes d'entre elles, celle qui constitue le socle sur lequel s'appuient toutes les autres : la connaissance du client.
Sa réflexion émerge d'un constat simple. Quand il s'agit d'identifier les besoins des clients, de manière à mettre l'organisation en position d'y répondre, ce sont souvent des stéréotypes déformés qui sont pris en référence. Définis par des gens du sérail qui y projettent (involontairement, en général) les valeurs de l'entreprise, quand ils ne les réduisent pas à leur expérience personnelle, ancrés dans des modèles statiques rapidement dépassés…, ils ne reflètent pas la réalité des attentes à combler.
La solution à ce problème est évidente : la connaissance du client doit s'abstraire des biais de l'organisation et des individus qui cherchent à la capturer. Pour ce faire, Jake Sorofman suggère le recours à des intervenants extérieurs, capables d'amener l'objectivité et l'expertise nécessaires pour observer, analyser et décrypter ce que les consommateurs expriment souvent de manière indirecte et obscure, quand ils interagissent avec l'entreprise, voire même lorsqu'ils sont interrogés explicitement.
Malheureusement, il est désormais difficile de se satisfaire de la constitution d'un (ou de quelques) profil(s) type(s). À l'ère de l'ultra-personnalisation des services, la connaissance du client doit s'affiner, et devenir individuelle. À l'extrême, l'idée de se glisser dans la peau des consommateurs afin de « coller » à leurs besoins va faire ressortir une expérience unique pour chacun d'eux. À ce stade d'ambition, le défi prendra une autre dimension, qui ne pourra se traiter par les méthodes traditionnelles.

En la matière, il faut rappeler qu'il s'est opéré une régression au fil du temps. Autrefois, la relation avec la banque était l'apanage quasi exclusif du conseiller, qui accumulait de la sorte une connaissance intime des clients dont il avait la charge. Puis, la généralisation des canaux à distance a fait progressivement disparaître la proximité qui existait alors : ce n'est pas en un ou deux entretiens par an (en moyenne, aujourd'hui) que la banque peut espérer capter les informations utiles à sa mission.
Même exploités correctement (ce qui est loin d'être le cas partout), les outils de CRM ne sont pas en mesure de suppléer à la raréfaction des contacts en face à face. Les informations que collectent les collaborateurs, en agence et en centre d'appel, éventuellement complétées de l'analyse des interactions en ligne ou mobiles, sont impuissantes à reconstituer un portrait global (« à 360° ») et actualisé du client. Dans ces conditions, l'objectif de délivrer un conseil personnalisé est illusoire.
Il ne serait pas raisonnable de croire qu'il sera possible de revenir au bon vieux temps. Il ne reste donc qu'a envisager une nouvelle approche. Voilà où les promesses de l'analyse intelligente des données peuvent prendre le relais. La banque mobile en constitue un vecteur idéal, en raison de son usage à très haute fréquence et par sa faculté de capturer des informations contextuelles en temps réel (la difficulté étant de ménager la susceptibilité des utilisateurs vis-à-vis des intrusions dans leur vie privée).
À tous les niveaux, la connaissance du client est critique pour les banques, surtout quand elles proclament des valeurs de proximité. Pourtant, elles accumulent dans ce domaine un retard croissant. Or, avant de préparer de nouveaux modèles de relation (humaine) en agence, la véritable urgence consisterait à combler cette lacune, faute de quoi le supposé conseil à valeur ajoutée ne sera guère que de la vente plus ou moins aveugle.