Tout le monde s’exclame en bien sur ce roman Les maisons. Il m’arrive de me méfier de l’unanimité, tout en étant très attirée, ne serait-ce que pour vérifier si je suis comme tout le monde et, surtout, ne pas passer à côté de deux heures de réjouissance livresque. Eh bien, sans plus tarder, je vous le dis, je fais partie de cette unanimité ; il faut lire « Les maisons ».
Ne vous attendez pas à une mirobolante histoire, ce n’est pas ce qu’il faut aller chercher dans « Les maisons ». Il faut être un lecteur qui n’attend pas la fin spectaculaire mais qui cherche les moyens de parvenir à des fins qui comblent.
L’histoire est ultra simple. Une mère de trois enfants, par le biais de son métier d’agent d’immeuble croise celui qui a été l’amour fou de sa jeunesse. Est-ce que cet amour aux relents idylliques va venir ébranler ce qu’elle a construit de solide avec un homme « aux mains d’ours en guise d’armure » ? Là est toute la question et là est également toute la réponse.
C’est la manière dont la réponse nous est amenée qui séduit. Qui séduit nos sens, un peu notre coeur mais surtout notre esprit. Ce n’est qu’un auteur à l’esprit finement découpé qui peut y arriver. Chaque phrase de Fanny Britt contient du sens. D’ailleurs, on a envie d’encadrer quelques phrases : Nous faisons partie d’un club, le club de celles qui ne parlent pas d’amour comme dans les annonces de lait maternisé, mais qui, dans chaque phrase, dans chaque pli de paupière épuisée, parlent tout de même d’amour et de rien d’autre.
C’est un roman qui parle de l’amour de la vie mais cet amour de la vie est déguisé en grimace. Le personnage principal Tessa ne s’aime pas et, à cause de cela, ne semble pas aimer sa vie. Pourtant, elle décrit la vie avec une perspicacité aiguisée et amusante. Qui dit mieux ? D’après l’auteure entendue en entrevue, Tessa est en colère. J’ajouterai de mon propre cru qu’elle ne se pardonne peut-être pas la banalité de sa vie. Elle aurait voulu être une star puisqu’elle étudiait en musique classique avant de devenir maman. Chose certaine, elle a l’amertume tout en joliesse. Le quotidien sent bon sous sa plume : soit une vente de sucreries pour l’école, soit l’achat d’un maillot, soit le transport d’un pont en bâtons de popsicles, tout prend une tenue ferme et rieuse. Rien n’est mou dans ce roman mais tout est tendre. Je dirais aussi que tout tend vers l’autre (mari, amant, enfant, client) dans la tension autant que dans la tendresse.
L’ex-chum de son ancienne vie devient sa question obsessive : vais-je briser ma vie pour lui ? C’est un prétexte idéal pour des retours dans le passé. Au passé ou au présent, Tessa reste toujours aussi captivante. Qu’est-ce que vous voulez, quand un personnage est intelligent, vrai, lucide ; a-t-on besoin de s’évader de lui ?
J’ai aimé que son mari soit, (je dirais même enfin !), un bel exemple d’homme à marier. Ils sont plutôt rares dans notre littérature, ça fait du bien sous une plume féminine.
Tessa est bonne à marier également, mais le seul hic est qu’elle ne le sait pas. Être une bonne épouse, une bonne mère, un bon être humain ; est-ce à dire d’être parfait et de briller comme une étoile ? Non, bien sûr. Mais d’être vrai, oui, on en réclame !
Roman d’une simplicité vraie à dévorer pour la tendresse de sa chair aigre-douce.