Titus n’aimait pas Bérénice. Ou peut-être bien que oui. Mais aucun doute, Bérénice aimait Racine.
Au premier siècle après Jésus-Christ, l’empereur romain Titus abandonna Bérénice, reine de Palestine, sa maîtresse adorée, pour retourner vers sa femme qu’il n’aimait pas, mais qui lui était fidèle. Racine en a fait l’une de ses plus grandes œuvres. Une Bérénice des temps modernes, abandonnée par son amant pour cause de retour au foyer conjugal, se passionne pour Racine, relit toutes ses pièces, apprend des vers par cœur, le cite à tout propos. Le maître des peines d’amour comme antidote à sa peine d’amour. Puis elle refait l’histoire de l’homme de théâtre, retrace son parcours, essaie de percer les sentiments et les motivations de celui qui, comme nul autre, a su comprendre le cœur des femmes.
Le style d’Azoulai nous donne une œuvre tout à fait originale. L’utilisation du présent historique insuffle au récit un caractère intemporel qui sert bien le fait que les peines d’amour n’ont pas d’époque. Elles ne sont pas moins cruelles aujourd’hui qu’au temps de Racine ou de Bérénice. Le roman est également bien servi par une plume poétique aux images singulières.
Ainsi, dans cet extrait, l’auteure évoque le chagrin de Racine devant les infidélités de sa maîtresse, Du Parc :
« Quand Du Parc le quittait, l’oubliait, le trompait, son visage chaque fois se fracassait, ne lui laissant entre les doigts que quelques éclats hagards. Au moindre soupçon, son front flétri tombait lourd sur ses yeux caves, du verre brisé au-dessus de ses pommettes. »
Un très beau roman, tout en émotions, en intériorité couronné du prix Médicis 2015.
Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice, P.O.L., Paris, 2015, 316 pages.