François Mitterrand et Helmut Kohl devant l'Ossuaire de Douaumont le 22 septembre 1984 I photo ©Wolfgang Eilmes/DPA/MAXPPP
Une commémoration pour ne pas oublier… l'une des batailles les plus meurtrières de la Grande Guerre. Verdun ? Le symbole même de l’absurdité. Trois cents jours de bataille, quelque 700 000 morts, des souffrances inqualifiables et une débauche d’héroïsme pour revenir, un an plus tard, aux mêmes positions, dans une boue de terre, de sang et de cadavres. En Allemagne et en France, on célèbre le centenaire d’un carnage aberrant, né de la sanglante folie des hommes, décuplée par la puissance meurtrière de l’industrie. Pourtant, cette lecture instructive ne suffit plus. A beaucoup d’égards, elle pourrait même endormir une vigilance politique dont nous avons tous besoin.Paroxysme nationalisteVerdun : paroxysme ignoble du nationalisme. La montée en puissance des Etats-nations -qu’aucune sagesse internationale n’a réussi à dompter au XIXe siècle- a créé le militarisme, la volonté de conquérir, la domination de la raison d’Etat sur les droits universels, la paranoïa des gouvernants qui pensent que l’ennemi veut les détruire à la première occasion, parce qu’ils remuent envers lui des pensées identiques. Mais l’Europe même qui se défait aujourd’hui sous la poussée des souverainistes, impuissante devant la crise migratoire, incapable de rassurer les peuples et de contenir l’effrayante renaissance des fanatismes identitaires, témoigne aux combattants de Verdun le respect qui leur est dû. "Le titre de cette exposition, 'un siècle pour la paix', doit nous rappeler à la vigilance", soutient Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d'État auprès du ministre de la Défense, chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire. "Vous le savez certainement, le vandalisme que cette exposition a subi dès son installation lundi dernier -une main anonyme a fait un ignoble rapprochement entre l’arrivée des réfugiés sur notre sol et le risque d’une nouvelle guerre mondiale- me conforte dans l’idée que ce travail de mémoire est plus essentiel que jamais pour comprendre les véritables germes de la guerre, de la violence, le nationalisme exacerbé, la négation de l’autre, l’intolérance, et le replis identitaire". "Bataille des 300 jours"La bataille de Verdun, 300 jours d’enfers et de déluge de feu, a la particularité de s’être exclusivement déroulée entre Français et Allemands. Jusqu’en 1916, la place n’avait guère d’intérêt stratégique et opérationnel pour les deux adversaires. Mais l’offensive allemande lancée au petit matin du 21 février changea du tout au tout. Dès lors que les Allemands se lançaient dans la bataille pour remettre en marche la guerre enlisée dans les tranchées, dont l’objectif était d’infliger une bonne raclée aux Français, Verdun devenait leur préoccupation principale. Le slogan "Ils ne passeront pas" réussit à fédérer la nation et raviver l’union sacrée, symbole d'une patrie menacée.Carte géanteElement fort de l’exposition, une carte au sol géante de 81m2. Conçue par l’IGN et labellisée par la Mission du Centenaire, elle représente la région de la bataille de Verdun, les lignes de front, le mouvement des troupes, les vestiges militaires ainsi que les principaux lieux de mémoire. Installée dans le pavillon Verdun, la carte est complétée par une carte en relief représentant les mouvements au cœur du champ de bataille. "Il s’agit d’une carte moderne resituant le champ de bataille de Verdun à l’échelle du 100 000ème", explique Etienne Tricoire, Responsable de la carte grande guerre. "Sur cette carte nous avons ajouté des lignes de fronts issues de documents d’archives du service géographique des armées. En complément, nous y avons ajoutés des lieux emblématiques de mémoires, le cimetière de l’ossuaire de Douaumont, et des lieux à vocations touristiques. Les visiteurs bénéficient de toutes les informations nécessaires à cette mémoire".
Aurait-on pu éviter le carnage de Verdun ? Clairement, oui, si chaque puissance avait prévu les desseins de son adversaire. Mais au contraire, les parties se sont gravement trompées. A posteriori, le souvenir commun de cette bataille devrait apporter du bien face au dégât radicaliste que nous réserve sûrement encore l’avenir. Une bataille, un conflit, une idéologie où seule la mort rode, mais jusqu’à quand ? FG