Pendant que les institutions financières européennes s'émeuvent des exigences de la directive PSD2 et que leurs consœurs britanniques s'inquiètent des velléités de la Banque d'Angleterre d'imposer un standard, c'est en Inde que les API bancaires ouvertes sont en train de faire un bond de géant, avec une initiative d'ICICI Bank.
Au premier abord, son « Appathon » est un énième concours d'applications mobiles, destiné à capter les bonnes idées de développeurs du monde entier pour la création d'une nouvelle génération de services financiers, offrant des produits et services originaux et/ou une expérience utilisateur différente, exceptionnelle. Afin d'attirer les candidats, trois grands prix sont mis en jeu, pour un montant total correspondant à environ 20 000 euros, assortis de divers bénéfices complémentaires destinés à finaliser les projets.
Pourtant, la démarche n'a rien de conventionnel lorsqu'on découvre que l'établissement mettra à la disposition des concurrents une impressionnante batterie d'API (une cinquantaine) couvrant différents métiers, de la banque de détail à l'assurance, en passant par les services aux grandes entreprises. Si la créativité est un critère pour être sélectionné dans la première partie de cette compétition, il est clair que la matérialisation effective des concepts soumis sera décisive pour espérer remporter la finale.
Et n'allez pas croire que ces API ne sont que « décoratives ». Les services qu'elles proposent comprennent, bien entendu, la consultation des comptes et des transactions (pour les clients particuliers et entreprises), la recherche et la localisation des agences et automates, ou encore un accès au « score de comportement ». Mais figurent aussi les virements, la passation d'ordres sur le Forex ou sur les produits d'investissements, la validation des mouvements de trésorerie en attente, la création de porte-monnaie virtuels « Pockets »… Presque toute la banque devient accessible aux développeurs !
Les risques des concours du genre de ce « Appathon » sont connus : lorsque les bonnes idées qui en sortent sont confrontées à la réalité de la banque, elles se révèlent très rapidement impossibles à implémenter. ICICI adopte donc la seule solution envisageable pour éviter ce syndrome et s'assurer que les applications produites pourront être effectivement déployées : exiger la réalisation de prototypes fonctionnels viables, conçus à partir des services qu'elle fournit. Incidemment, cette stratégie représente certainement un stimulant fort pour les participants qui souhaitent voir aboutir leurs idées.
Sans préjuger de ses résultats, il est certain que la stratégie d'ouverture qui préside à l'organisation de cette compétition représente une extraordinaire opportunité de capter l'innovation (externe) de manière pragmatique et concrète. Elle demande un courage (ou une intuition ?) qui fait souvent défaut aux banques – trop effrayées de laisser des concurrents potentiels utiliser leurs services. En outre, elle démontre une maturité technique qui laissera rêveurs les nombreux responsables en charge de systèmes informatiques vétustes, fondamentalement inadaptés à l'exposition d'API…