On attendait beaucoup des innocentes, nouveau film d'Anne Fontaine que notre cinéma fétiche le Comoedia avait annoncé depuis longtemps avec notamment début janvier une rencontre exceptionnelle avec la réalisatrice, à laquelle nous n'avions malheureusement pas pu nous rendre, mais on s'est rattrapés en voyant ce film, Michel et moi dès la sortie.
Il faut dire que la cinéaste Anne Fontaine est une de nos plus passionnantes cinéastes françaises : si elle n'aime rien de plus que d'aller à chacun de ses films là où on le l'attend pas, allant de films dans des genres- le thriller avec Entre ses mains, la comédie avec Augustin roi du Kung Fu, le film historique avec ces innocentes, elle garde néanmoins une cohérence et un fil conducteur dans ses choix artistiques et ses théamtiques.
En effet, Anne Fontaine aime souvent gratter en surface et aller du côté de la transgression, sous quelque forme celle ci apparait, et aime également faire le portrait d'héros- qui sont souvent des héroïnes- qui vont sur un chemin différent que celui qu'on leur a tracé au départ.
Ainsi, cette Mathilde Beaulieu jeune médecin en mission en Pologne pendant la seconde guerre mondiale, qui travaille dans le dispensaire de la Croix-Rouge va prendre un chemin contraire à ses aspirations de départ lorsque va faire irruption dans sa vie et dans son dispensaire une jeune religieuse dont les collègues ont été violées par des soldats russes lors de la libération, et lorsqu'elle va apprendre que plusieurs d’entre elles arrivent au terme de leur grossesse.
Après quelques hésitations, Mathilde acceptera de leur apporter son aide et sera vite confrontée à la pudeur de femmes pieuses, soucieuses avant tout de préserver leur honneur face à l’atrocité de cette tragédie…
Vont ainsi peu à peu se nouer une relation complice et presque amicale entre cette jeune médecins, aux convictions communistes et peu pieuses bien ancrées et ces religieuses qui s'accrochent bon gré mal gré à leur foi, malgré les circonstances défavorables.
Inspiré par le journal de Madeleine Pauliac, résistante et médecin-chef de l’hôpital français de Varsovie pendant l’après-guerre, né d’une idée originale de Philippe Maynial (le neveu de Madeleine Pauliac), adaptée par Sabrina B. Karine et Alice Vial, Les Innocentes est un film pétri d’intentions louablesle sujet est bouleversant et édifiant, et on sait gré à Anne Fontaine de le traiter avec délicatesse et avec le souci d'authenticité et de pudeur nécessaire.,
Anne Fontaine ose un film féministe, une ode à la solidarité entre femmes, et même si on y entend de temps en temps de savoureux et souvent percutants dialogues de Pascal Bonitzer qui a collaboré au scénario, elle prend le temps de filmer les silences, les regards, et les moments de doute et d'espoir inhérent au contexte et à cette relation.
Alors certes le film n'échappe pas toujours à un certain académisme et pesanteur- Michel l'a notamment trouvé un peu trop figé, froid, trop " qualité France" dans le sens péjoratif du terme, mais elle évite l'acueil du didactisme et de la leçon de morale, et le film est habité notamment par le jeu des actrices. Personnellement, contrairement à Michel qui trouve son jeu trop appliqué, j'ai trouvé la jeune Lou De Laage rééellement émouvante et très juste, et les nonnes polonaises vibrantes d'humanité.
Et puis dans cet univers très féminin, et dans un rôle à la fois totalement inattendu et en même temps assez proche de ses rôles précédents, Vincent Macaigne est la vraie bonne surprise de ce film, en médecin qui travaille et qui tombe peu à peu amoureux de Mathilde, il apporte sa fantaisie naturelle et un peu de légèreté et d'humour, bref des ingrédients forcément salvateur à ce scénario lourd et profond...
Et le film vient tout juste d'atteindre les 300 000 entrées en dix jours, ce qui montre qu'après les beaux succès de des hommes et des dieux et Ida, les histoires de couvent prennent bien sur grand écran..