Le sous-titre de ce court essai publié en 2013 : « Les 7 piliers de la déraison » fait bien évidemment référence aux « 7 piliers de la sagesse », le livre de T.E. Lawrence, dont David Lean tira en 1962 un film célèbre. Il s’agit d’un livre d’explications rationnelles sur un phénomène de brûlante actualité : la difficulté pour un pays démocratique d’empêcher les attentats meurtriers commis au nom d’Allah par une (grosse) poignée de terroristes, comme de traiter le mal à la racine.
Je juge Trévidic est un expert en la matière. Il a exercé pendant dix ans au pôle antiterroriste du tribunal de Grande Instance de Paris. 10 ans mais pas plus, car c’est défendu par le statut de la magistrature. Ainsi, l’un des meilleurs spécialistes de ce problème capital est-il actuellement en charge d’affaires familiales à Lille …
Au moment où la querelle sur la déchéance de nationalité déchire nos intellectuels bien-pensants – encore une aberration de nos politiques - certains jeunes musulmans ont depuis longtemps renoncé intellectuellement à une quelconque appartenance nationale. Seule compte pour eux la solidarité entre Musulmans (sunnites !). Ce qui pousse le juge à donner quelques éléments, notamment de langage, afin de comprendre un peu mieux ces jeunes endoctrinés. En particulier après l’affaire Merah, que personne n’a vu venir. On redoute – surtout depuis les attentats de janvier et novembre 2015 – le renouvellement de telles actions de groupuscules qu’aucune cruauté n’arrête. Elles sont malheureusement prévisibles.
Marc Trévidic, à travers une alternance de chapitres qui parlent de notions techniques et d’histoires vécues à peine transformées, nous donne quelques clés. En premier lieu, la notion de HIJRA (volonté de vivre sa religion dans un pays appliquant pleinement la CHARIA), et surtout la TAQIYYA, ou dissimulation : savoir demeurer dans l’ombre le temps nécessaire, avant de commettre le crime, ou le suicide comme arme pour prendre la vie des autres. Soudain, comme un « pétage de plombs », un passage à l’acte individuel totalement imprévisible ?
Pas si évident ! La notion de « loup solitaire » à l’instar de Merah, comme excuse de l’échec des services de surveillance, ne tient pas. Les crimes commis au nom d’un jihad individuel ne résultent pas du même processus que ceux commis par un quelconque assassin. L’apprenti terroriste trouve sa voie en 3 étapes : la frustration, l’endoctrinement ou exploitation – et là, le web joue un rôle majeur pour la mise en relation avec un « sachant » - enfin le passage à l’acte. Cependant, notre corpus juridique se trouve en difficulté pour appréhender les auteurs d’attentats avant leur commission. L’extrême complexité de notre machine judiciaire : enquêteurs, commissaires, juges d’instruction, parquet, juge de la liberté et de la détention … A tout moment de la procédure, il faut opérer des choix, donc l’erreur, dans un sens comme dans l’autre, est possible.
Même si le propos est à présent dépassé (horreur des récents carnages, mise en place de l’état d’urgence), les informations historiques et géopolitiques de ce livres sont largement utiles. On n’en ressort pas rassuré pour autant, loin s’en faut, mais au moins on comprend mieux le processus de radicalisation, la jeunesse des candidats au jihad, la place paradoxale des femmes … Effrayant autant qu’éclairant …
Terroristes, les 7 piliers de la déraison, essai de Marc Trévidic édité chez Jean-Claude Lattès, en livre de poche, 284 p. 6,60€