Malgré la pétition contre les fermes-usines de l'ONG Agir pour l'environnement qui a réuni près de 50 000 signatures, malgré les nombreux sondages qui montrent que les Français sont défavorables à l'élevage intensif, malgré la mobilisation des paysans face à l'agro-industrie, malgré le témoignage d'un ex-salarié qui révèle la maltraitance des animaux et "des conditions d'élevage abominables",... les trois commissaires-enquêteurs de l'enquête publique sur la ferme dite "des mille vaches" ont donné un avis favorable pour pour une extension du cheptel de 500 à 880 vaches laitières suite à la demande faite par l'exploitant en mars 2015.
L'enquête publique, décidée par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, s'est déroulée du 2 novembre au 17 décembre 2015.
A noter cependant : cet avis des enquêteurs n'est que consultatif : le préfet de la Somme, Philippe de Mester, devrait prendre une décision courant avril.
La ferme dite des "Mille vaches", créée par l'entrepreneur Michel Ramery, est devenue le symbole de l'industrialisation (à outrance) de l'agriculture, un modèle de compétitivité agricole qui met à mal les petites fermes, les petits paysans et l'élevage de proximité. Dans cette usine, les vaches ne verront, de leur vie, ni un pré ni un brin d'herbe. Ici, parce qu'il faut produire plus, toujours plus, on exploite l'animal comme une machine. La ferme traite les vaches trois fois par jour. Elles montent sur un tourniquet, en rang d'oignon, une organisation inspirée d'une méthode développée aux Etats-Unis. Ainsi, 9 500 litres de lait sont produits par jour.
Le réseau Agir pour l'environnement a vivement réagi à cette décision des enquêteurs dans un communiqué : "La FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) fait partie des structures soutenant ce projet qui ajoutera de la surproduction laitière à la surproduction laitière, entrainant ainsi l'élevage dans une crise sans fin. Les éleveurs actuellement mobilisés dans l'Ouest pour dénoncer la baisse des cours comprendront sans doute que le soutien accordé par la FDSEA à ce projet de ferme-usine est l'une des raisons expliquant la crise qu'ils subissent de plein fouet."
Agir pour l'Environnement dénonce une " démocratie cause toujours " illustrée par ce nouveau passage en force. "Une nouvelle fois, cette enquête publique apporte la preuve que nos outils démocratiques servent surtout les intérêts des puissants, au premier rang desquels se trouve un industriel du BTP au bras très long, Michel Ramery" commente l'ONG qui précise qu'aujourd'hui 200 fermes disparaissent chaque semaine en France.
"Ces bêtes, emprisonnées à l'année dans des conditions de vie contraires à leurs besoins physiologiques naturels, au régime alimentaire modifié pour produire au maximum, donneront un lait industriel, puis une viande de réforme, de piètre qualité. Pour les nourrir artificiellement, au lieu des pâtures favorables à leur bien-être et au bon équilibre général, il faudra des aliments importés (sans parler des OGM) ou poussant chez nous avec engrais chimiques et pesticides" explique également l'association Novissen. "Cette étable industrielle va accélérer la disparition des exploitations actuelles. Ce projet s'inscrit dans une course effrénée à la productivité intensive, à des fins purement financières, au profit du seul promoteur, M. Ramery. On n'a pas le droit d'entreprendre n'importe où, n'importe comment, et à n'importe quel prix ! Chacun souhaite un avenir plus respectueux de la Nature et des hommes. La décision d'autoriser ce projet est maintenant entre les mains du Préfet de la Somme."
Alexandre Sieradzy