Dentextorqueurs

Publié le 23 février 2016 par Hunterjones
Si Janvier avait plutôt bien commencé, le mois de Février a été assez bouleversant pour nous.
Dès le 1er, on se rendait à l'hôpital avec Monkee pour une fracture de la main droite et une série d'angoisses, de stress et de frustrations s'en sont suivies. Sans parler de démêlées avec quelques colporteurs et autres "metteurs de mains dans nos poches" ainsi que des nuits blanches suivies de nuit de travail, suivies de jour de non-repos, suivi de cycle infernal...
Aussi bien me mettre à fumer, je me tuerais au même rythme.
L'autre tantôt, je me traînais d'une nuit de travail physique qui avait été précédée de trois maigres heures de sommeil (match des Canadiens sur place suivi de tempête au centre-ville oblige) jusqu'à l'école de ma fille pour l'y prendre et la mener chez le dentiste.
Je crois ne pas aimer les dentistes. Pas pour ce que vous croyez. Se faire jouer dans les dents ne me dérange en rien. Mais je les trouve grossièrement très très porté sur le cash. J'ai dû demander à mon propre dentiste de me considérer comme mort quand sa secrétaire m'a harcelé pendant des mois pour savoir si je voulais dépenser 200...me faire faire je-ne-sais-trop-quoi dans la bouche aux deux mois. WTF? J'AI RIEN! surtout pas d'argent à leur donner. Chaque fois que je m'y suis présenté depuis deux ans, mon dentiste avait une attitude agressive sur "le remplacement à grand frais d'une dent morte, mais ce n'est pas grave, tes assurances devraient rembourser". Chaque fois, je lui ai patiemment expliqué que mes assurances ne paierait que SI cette dent était franchement cassée, et qu'il fallait agir promptement. Chaque fois, il m'a fait la baboune, critiquant mes assurances, et m'en parlant comme si c'était moi qui prenait une décision personnelle.

La dynamique entre moi et les dentistes, depuis longtemps, c'est "Ça fait mal, je vais te voir, sinon, christ-moi patience". Pas "je te solicite agressivement jusqu'à ce que tu cèdes".
I drive the car, you stay by the road. On verra si je t'embarques.
Quand vient le temps de flamber du cash, je suis le mauvais homme pour céder.
Il est si ouvertement porté sur l'investissement dentaire, qu'il me rappelle plus un courtier à Wall Street ("Sell! Sell! Buy!")  qu'un dentiste.

Avec Punkee, c'est différent, mais pas tant.
"Bonjour M.Jaune, c'est pour Punkee, cela fait un an qu'elle n'est pas venue nous voir..."
"Oui, c'est parce qu'elle a des broches depuis un an et que son ortho regarde tout ça en même temps..."
"OH! mais ce n'est pas une raison! les caries peuvent se former entre les dents, il faut venir nous donner 200...nous voir!"
Non.
Il ne FAUT pas.
Il ne faut jamais rien.
J'ai pris rendez-vous quand même parce que j'étais faible ce jour-là. J'écoutais TVA.
"Est-ce que j'aurai besoin de sa carte d'Assurance-Maladie?"
"Euh...laissez moi vérifier l'état de nos finances...non! elle a 12 ans, il faut surtout apporter votre portefeuille!" et elle a éclaté d'un grand rire empirique. C'est toujours drôle pour les dentistes de détrousser le gens de leur argent.
Je n'aime pas les dentistes, mais fatigué comme je l'étais, je les hais.
Nous étions dans la nouvelle petite salle d'attente payée par les abus de facturation donné aux clients rénovée et je trouvais à l'endroit un côté cheap. Sous des airs de "paradis des enfants" en regardant bien ,on voyait que les jouets étaient dans un mauvais état. Certains étaient même en plastique cassé et devenaient dangereux. Un écran de télé laissait croire que nous regardions La Reine des Neige mais montrait en fait en loop une vidéo d'une chanteuse, ressemblant beaucoup à Sofia Veraga. en studio, s'époumonant sur sa version de Let it Go, entrecoupé d'images du film d'animation. Sans son. Ce qui rendait la chose 100% inutile. On voyait une belle fille en studio ouvrir la bouche et des bonhommes bouger un peu. Je ne sais pas si je m'investissait à moitié comme ça dans le paiement du rincement de bouche de Punkee, si on l'accepterait.

J'étais si crevé que je me sentais comme dans un rêve. J'avais envie du silence d'une cravate dans le cou d'un homme quand une famille de colons, bien vissée dans les bancs pour enfants, se sont mis à parler très fort de tout, mais surtout de rien. En fait ils n'ont pas commencé, ils étaient déjà là à faire leur show quand je suis arrivé et faisaient comme une audition pour tous ceux qui se trouvaient forcés à écouter l'étalage de leurs personnalités. En moins de 30 minutes je savais que le petit gars de 17 ans faisait de la boxe, que la famille habitait le code régional du 819 et que nous étions dans le 514, que la madame maganée par la vie ne voulait pas habiter Montréal par que trafic, qu'elle avait déjà été mariée mais que maintenant, "hiii! jamais plus je l'ai dit devant Dieu!", que la petite fille de 4 ans était probablement issue d'une seconde union... et que SCHLEISSE! tous les sons sont trop forts, je m'endors!
Ces gens redéfinissaient le terme "colons d'Amérique".
La femme maganée par la vie ne cessait de tout citer de travers:
"Ce n'est pas la merde à boire", "Marie-Christine Janvier", "...son émission Le Bonheur est dans le Pré...". Je la sentais sur le point de nous parler du premier ministre Philippe Brouillard. Irritant.

Quand un père arabe est arrivé et que sa fille était toujours sous son regard scrutateur "fais-pas ça!" (prendre un mini-ordinateur pour enfants?) et que son fils, plus jeune encore pouvait TOUT faire, prendre ce même ordinateur pour enfant et même prendre de mes mains le livre que je lisais, s'en était trop, je me suis levé pour aller uriner à la salle de bain et qui sait, peut-être faire plus, puisque que tout ça m'inspirait la schleisse*.
Mais chez ce dentiste, on n'avait pas le droit de garder ses bottes, On les enlevait et on enfilait des petits filets sur nos bas. Et quand je me suis rendu à la salle de bain, le plancher était tout mouillé...
Urine ou bottes-de-toute-manière-interdites? je suis resté debout la porte ouverte, loin de tout ça. Je sais que j'aurais pu pisser avec puissance jusqu'au bol, mais avec quel type de précision? et comment sans affoler tout le monde, car j'étais techniquement hors de la salle de bain et offrirait alors mon bambou et son jet à tous les regards.
J'avais TRÈS envie d'uriner. J'en avais la vessie dans la lanterne de mes yeux.

Il me semblait alors que tout au monde ramenait à Charlie Brown qui passe dans le beurre en voulant botter le ballon tenu par Lucy qui avait pourtant promis de ne pas l'enlever à la dernière minute pour le faire tomber sur le cul.
"M.Jaune...?"
"Non,,,Hunter..."
Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, j'étais fatigué.
"M,Hunter..."
"Non...M.Jones"
Elle m'a regardé, a vu la couleur de mes yeux, a répété:
"M.Jaune, c'est terminé avec votre fille, elle n'a pas de caries..."
Je le savais, je ne sais pas pourquoi je sais pourquoi, ils veulent notre caaaaaaaaash! ils insistent pour ce 15 minutes qui me coûtera 4,35$ la minute,
"Ce sera 159$..."
BA-TAR-NAK 10,60$ la minute!
Heureusement que les assurances remboursent une partie. Ça finira par nous coûter seulement ce que ça valait.
"Voulez vous qu'on vous détrousse rappelle dans 6 mois ou dans 1 an pour Punkee?"
"Dans un an"
"On aura besoin d'argent avant Oh! mais je vous conseille de venir aux 6 mois..."
"Si vous aviez déjà une réponse de prête, pourquoi m'avoir posé la question?"
Elle a fait la face de celle à qui on fait un wedgie surprise.
"Non, mais je vous dis ça comme ça... on veut votre argent."

"Appelez-moi dans 6 mois et je vous dirai non, dans un an, au besoin. si ça fait mal"
Ça m'a étonnamment fait du bien de lui dire ça comme ça.
Comme on plante un gâteau à la crême dans le visage sans s'annoncer.
Comme on étouffe quelqu'un avec sa cravate.
Dans le silence.
Puis j'ai pissé sur mon char.
Comme un ivrogne.
Comme dans la toune de Richard Desharnais...
Sur le chemin du retour, alors que j'étais entré chez le dentiste morose,  j'ai retrouvé la joie de vivre. Parce que New Order dans ma radio.
Je dois être le seul homme au monde à trouver du soleil dans la voix de Peter Hook. Mais je vous l'ai toujours dit: je suis un homme d'hiver.
Février me parait moins morne depuis. Même si mon hiver pue le printemps.
Même si une journée de neige devient une journée de pluie le lendemain.
J'investis mieux dans mes énergies et dans mon sommeil aussi.
Je mords dans la vie.
À pleines dents.
Non consultées par un dentextorqueur.
Chronique plus riche ainsi.
*Merde en Allemand