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La Retirada; il y a 75 ans...

Publié le 22 février 2016 par Micheltabanou
En ces moments de résurgence des mémoires et des cérémonies y afférent j'ai cette envie ce matin de quitter Verdun et son inhumanité, sa bestialité guerrière, pour fixer toute mon attention très au sud du côté catalan de nos Pyrénées et la fameuse exode républicaine que l'on appelle La Retirada. Dernier épisode la guerre civile espagnole avec l'acharnement des troupes de Franco et celles allemandes des nazis. La Retirada c'est l'exode de trois millions de Catalans, ainsi que du million de réfugiés de l'ensemble de l'Espagne accueillis, depuis 1937, par le gouvernement catalan, qui prennent la route pour fuir la furie fasciste et échapper à la répression franquiste. Sous le froid et sous des bombardements incessants, hommes, femmes et enfants peinent à arriver à Portbou ou au Perthus. L'angoisse et la peur se lisent sur leurs visages. La Catalogne française reçoit un surplus de population estime à 500 000 personnes. Des camps sont construits, des camps de concentration, des camps de fortune sans infrastructure réelle d'accueil. Venant noircir le tableau le début de la guerre le destin tragique de ces républicains espagnol va encore s'accélérer. Les camps se voient rapidement utilisés pour l'internement de nouvelles populations d' " Indésirables " comme ces 8 000 juifs déportés au mois de mai 1940 de Belgique vers le Camp de Saint-Cyprien. Le gouvernement de Vichy manie l'euphémisme pour rebaptiser ces camps de concentration en centres d'hébergement. Lorsque les troupes allemandes envahissent la Zone libre, au mois de novembre 1942, elles ferment la majorité des camps du département pour renforcer celui de Rivesaltes. Ce camp, proche d'une voie de chemin de fer, s'inscrit ainsi sur le réseau aussi efficace qu'inhumain mis en place par les nazis de l'Europe des camps de la mort. En forme de bilan il faut savoir que sur les 500.000 hommes et femmes qui avaient franchi la frontière, deux cent soixante-quinze mille furent internés dans des camps. À Argelès, on entassa les réfugiés sur la plage puis, le nombre grossissant, des nouveaux camps furent ouverts notamment à Saint-Cyprien à Barcarès. Ils étaient dépourvus de structures les plus élémentaires : pas de baraquement, de latrines, de cuisine, d'infirmerie et même d'électricité. À Gurs, une plaque rappelle qu'en cet endroit "séjournèrent 23.000 combattants espagnols, 7.000 volontaires des Brigades internationales, 120 patriotes et résistants français, 12.860 juifs allemands, 12.000 juifs arrêtés sur le sol de France par Vichy." Les camps "espagnols" préfigurèrent très vite d'autres formes de camps. Dès 1939, les autorités françaises de l'époque avaient qualifié ces camps de "camp de concentration".
Les espagnols prisonniers à Argelès et ailleurs ont connu toutes les vexations. Chaque jour, les gendarmes invitaient les prisonniers espagnols à retourner chez eux ou à s'engager dans la Légion étrangère. On dressa la liste des "meneurs" placés dans des parcelles surnommés hippodromes. D'autres seront expédiés dans des prisons militaires. Pourtant la vie s'organisait. Des dispensaires de fortune étaient installés, des cours dispensés, la sécurité assurée. Et malgré les divisions politiques et idéologiques, chacune des organisations reconstituées entamera dans ces camps, son chemin vers la Résistance en France contre l'occupant.
Avec le temps, des réfugiés espagnols finiront par trouver du travail à forte pénibilité : les mines, les chantiers forestiers, l'agriculture, le bâtiment où ils retrouveront souvent des compatriotes installés là depuis 10, 20 ans ou plus. Avec le déclenchement de la guerre contre l'Allemagne, l'espoir d'une revanche et d'une reconquête renaît. Lorsque le gouvernement français met les réfugiés d'âge mobilisable en demeure de choisir entre retour au pays ou incorporation dans des Compagnies de travailleurs étrangers (CTE), le choix est vite fait. Pour la plupart, le combat va continuer en France même ou hors de France dans les armées alliées ou de la France Libre.
Sur les 270.000 réfugiés espagnols restés en France, environ 60.000 sont incorporés dans les 250 CTE, sous statut militaire et affectés à des travaux du génie (fortifications, routes ...). Ils participent aussi aux combats. Sur les 80.000 morts de 1939-1940, 5.000 sont espagnols. Les autres, pour moitié d'entre eux sont faits prisonniers. Franco les ayant déchus de leur nationalité et Pétain collaborant, on ne leur applique pas les Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre. Nombre de ces "Espagnols rouges" marqués du triangle bleu d' "apatrides" sont envoyés dans le terrible camp de concentration de Mauthausen. Ceux restés libres passent sous le contrôle du ministère vichyste de la Production et sont souvent affectés dans les "Groupements des travailleurs étrangers" (GTE) pour aller construire le Mur de l'Atlantique ou travailler sur des chantiers forestiers. La Résistance disposait là de très bonnes sources d'information.
12.000 Espagnols environ prirent part directement aux combats de la résistance française dans les FFL, les FTP, FTP-MOI, dans l'Armée secrète, les Corps francs de Libération, et aussi dans leurs propres structures, en particulier en Midi-Pyrénées. Ils disposaient d'une grande expérience tout comme leurs camarades des Brigades internationales. Pour Charles Tillon, commandant des FTP, "les anciens d'Espagne constituaient une grande partie de l'armature de ces premiers groupes armés de la résistance communiste". Le colonel Rol-Tanguy aimait rappeler que "quand il a fallu mettre sur pied l'Organisation spéciale nous avons systématiquement cherché nos camarades des Brigades internationales." Le colonel aura à ses côtés de nombreux espagnols pendant l'insurrection parisienne. Ils serviront de guide aux blindés de la 2è DB du général Leclerc lors de leur entrée dans la capitale. Les tanks portaient les noms de "Madrid", "Brunete", "Teruel", "Guadalajara". Les équipages croyaient que Paris était une étape avant de foncer libérer Madrid. On leur avait menti.
Voilà ceux pour qui ma mémoire ce matin se tourne sans faire naturellement l'impasse du déclenchement de l'offensive barbare des allemands sur Verdun ke 21 février 1916. Effroyable bataille où mon grand-père, Jean-Baptiste, pris part et y abandonna sa jeunesse pour ke sang et le feu, la boue et les blessures...

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