Je plaide
Je fais des plaidoyers
Pour une littérature détachée
Sans tâches et sans attaches
Je ne tiens pas à subordonner
Le texte au contexte
Ni l'inspiration à la respiration
Le lien existe bel et bien, mais je n'y tiens pas
C'est la raison pour laquelle je ne retiens que les textes qui tiennent
Qui ont du maintien
Qui refont l'histoire au lieu de renvoyer à l'histoire
Qui ne relayent pas mais qui créent et recréent la vie au lieu de se contenter de la raconter...
À dire vrai, la biographie ne peut absorber l'écriture
Sous peine de nous voir assister à la mort de la littérature
L'historicisme n'a aucune prise sur nos prismes.
Un écrit de génie ne renvoie pas au génie qui écrit
Car le génie est impersonnel, comme l'esprit, éternel.
Je l'atomise si je le personnalise
Je le néantise si je le temporalise ou spatialise
Je le réalise en le déréalisant
Je ne peux l'aimer sans le sublimer
L'élever dans les airs
Une Saison en Enfer n'est pas un aperçu sur la vie de Rimbaud
Mais le reçu de mon propre avis sur le beau
Zarathoustra n'est pas le témoignage d'un fou
Mais un témoignage qui rend fou
Je crie : où es-tu Umberto ?
Et tout ce que j'entends, c'est mon propre écho
Mes nuits, je ne les dois pas à Alfred de Musset
Mais à mon incroyable envie de les ressasser.
Toutes les grandes œuvres je les réécris en les lisant
Les Méditations de Descartes
Les Pensées de Pascal
Les Confessions de Saint Augustin
Élisent leurs lecteurs
Et les autorisent à les défendre
Comme s'ils en étaient les auteurs
La vie de Sartre m'importe peu
Ses mots me sont si intimes et si curieux
Que je commence et je finis par les assimiler à mes propres vœux
Derrière la tonne de chef d'œuvres dont je dispose
Il n'y a personne... absolument personne
C'est à moi de les signer en saignant
De saigner en les signant.
Qu'est-ce que la littérature ?
Sinon l'œuvre de ma lecture.
Je ne me demande plus qui est derrière ?
Mais qui est devant ?