« Alors tu vois, il y a les névroses et les psychoses. Les névrosés, ils sont un peu bizarres, mais ils savent qu’ils sont malades, ils peuvent se soigner. Les psychotiques, ils sont complètement fous, ils ne se rendent compte de rien, ce sont de vrais malades, ils hallucinogènent… hallu… comment on dit? hallucinent. Ils sont schizophrènes par exemple. Ils ne veulent pas se soigner. Alors on leur donne des neuroleptiques, ils sont dans des institutions, et avec ça ils vont mieux. »
Entendu aujourd’hui dans un salon de thé.
A force de fréquenter des gens qui connaissent la psychiatrie et les maladies mentales, j’en oublie à quel point les préjugés sont tenaces.
Alors, reprenons les bases.
Non, les psychotiques ne sont pas complètement fous. Il y a une part de raison dans toute folie, comme le disait Pinel. Si on peut ne pas se rendre compte de certains symptômes, plus on avance dans le temps de la maladie, moins c’est vrai. Beaucoup de psychotiques apprennent à repérer leurs symptômes et les signes de rechute. La plupart savent qu’ils sont malades. Par exemple, pour parler de la fameuse rupture avec la réalité, je vivais dans l’autre monde, mais je savais que c’était pathologique.
Non, tous les psychotiques ne sont pas en institution, loin de là, n’en déplaisent à cette dame qui se serait sans doute étouffée avec son bavarois si elle avait su qu’elle mangeait à côté de deux psychotiques sous neuroleptiques. Les hospitalisations sont de plus en plus courtes et on essaye de les éviter le plus possible grâce au suivi en ambulatoire. Les psychotiques vivent donc dans la cité, certains travaillent ou ont des enfants. Bref, ils sont parmi vous et vous ne pouvez pas vous en rendre compte, la plupart du temps.
Non, les neuroleptiques ne sont pas la panacée. Il ne suffit pas d’avaler son médicament chaque jours pour aller mieux, c’est un peu plus compliqué que ça. Parfois, la psychiatrie est réduite à ça, et c’est dommage. Pour aller mieux, il faut d’autre chose, comme un bon thérapeute, la parole étant aussi importante que les médicaments, un entourage soutenant, un projet de vie, etc. Le cerveau d’un psychotique n’est pas juste un mécanisme qui déraille et que les neuroleptiques remettraient en marche.
La psychose, c’est infiniment plus compliqué que ne pas se rendre compte de ses troubles et prendre un médicament pour aller mieux, tout simplement parce que c’est infiniment humain. Humain comme vous.
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