Je n'ai que très peu fréquenté de restaurant sur Limoges. Il faut dire qu'entre ce que je mange chez mes amis, dans les soirées dégustation que j'organise deux fois pas mois, et les repas que je fais de temps en temps chez moi, j'y trouve mon compte. Malgré tout, lorsque mes camarades m'ont proposé d'aller chez Philippe Redon, je n'ai pas dit non. L'ayant vu à la télé il y a quelques décennies dans Bon appétit bien sûr, j'en avais gardé un bon souvenir. Etoilé Michelin entre 2000 et 2006, il a préféré stoppé la course sans fin à l'armement pour proposer une cuisine plus simple et abordable. Macaron ou pas, je me suis dit que le niveau et l'expérience étaient là : on allait sûrement se régaler. Je ne me suis pas trompé.
Autre point très appréciable : le droit de bouchon est très raisonnable. Pour 10 € par convive, on peut amener autant de bouteilles que l'on souhaite. Après avoir regardé le menu sur le site, nous en avons sélectionné trois dans nos caves.
Le repas débute avec un Cappuccino de langoustine et perles au citron. C'est juste à tomber, avec un intense goût de crustacé et un assaisonnement d'une grande précision, et ces perles à la texture ferme et fondante à la fois (on apprendra que ce sont des perles du japon "aromatisées" au citron). Rien que sur cette mise en bouche, on est au niveau 1*, voire plus.
Le mariage avec le Montlouis Clos Habert 2002 de Chidaine que j'ai amené fonctionne bien, même si ce n'était pas prévu, ce plat n'étant pas indiqué sur le menu.
Le premier plat, c'est ce marbré de foie et poire confite. Là aussi, tout est parfait : texture dense et fondante, assaisonnement au cordeau, avec juste ce qu'il faut de sel et d'épices. Et l'accord avec le vin est superbe. Toujours pas de fausse note...
Elle ne viendra pas du deuxième plat, pourtant culotté à ce moment du repas : navet blond, tome de Savoie et mâche truffée. Les tranches de navet sont laquées, la tome est fondante/coulante. La mâche est juste assaisonnée avec un bon vinaigre balsamique et des fines tranches de truffe. L'accord avec le vin frôle le génial, les amers du navet répondant à ceux du chenin, le salé de la tome contrastant avec la douceur du vin, les saveurs truffées de la salade avec les arômes tertiaires du Montlouis. Très beau moment gastronomique, d'autant qu'il est inattendu.
Si je devais décrire ce vin, je dirais de mémoire : "robe d'un or profond. Nez fin et profond sur des notes de poire confite, de miel et de truffe, avec une touche de coing. Bouche ample, d'une grande intensité aromatique, avec une matière riche, généreuse, légèrement douce, parfaitement équilibrée par une acidité sous-jacente. Finale assez puissante, sur des notes de fruits blancs confits, d'épices et de sous-bois d'automne."
Joli plat aussi que cette queue de langoustine, couscous de légumes. Celle-ci est juste saisie, encore très tendre, contrastant avec le croquant des légumes taillés en fine brunoise. L'assaisonnement olive/basilic est juste (même si un peu hors saison, comme le plat suivant). C'est très bon, même si un ton en dessous des précédents. L'accord avec le Clos Canerelli 2009 (100 % Vermentinu) amené par Stéphane frôle la perfection. Ca ne peut que rappeler des vacances dans le Sud.
Alors oui certes, cette raviole de basilic, faisselle de brebis, sorbet de tomate est un peu décalée pour un mois de février. Il n'empêche que c'est peut-être le plus grand plat de la soirée. On a toute les saveur de l'Italie dans l'assiette : une raviole très très basilic, de la tomate bien parfumée, confite et en sorbet (à la texture superbe - Pacojet, I presume), une faisselle de brebis crémeuse, une émulsion à la truffe blanche, des pois gourmands croquants. Et là encore, l'accord avec le Clos Canarelli est superbe. Il est comme chez lui :-)
A noter que le sommelier (à qui nous avons fait déguster les vins apportés) nous a offert une bouteille de Domaine des Tours rouge 2011, car le plat de viande n'était pas celui qui était prévu au menu (pigeon à la place du boeuf). Il a pensé que l'accord serait plus intéressant qu'avec notre Bordeaux (pour sûr...).
Vu que c'est aussi un vin sudiste, nous l'avons testé sur ce plat. Ca fonctionnait plutôt bien, vu qu'il n'est pas tout tannique. Cela faisait ressortir son fruit et ses épices. Disons donc que ça ne lui nuisait pas, mais qu'il ne mettait pas vraiment le plat en valeur, alors que le blanc le faisait admirablement.
Description de mémoire de ce dernier : "robe or clair. Nez sur les zestes d'agrume, le fenouil, la pierre humide et une petite pointe de résine La bouche est ronde, ample, alliant tension minérale à une matière génereuse, millésime 2009 oblige. On a cette sensation de sucer un caillou. La finale allie finement astringence et amertume, rappelant l'écorce de pomelo."
Voici donc le plat non prévu : un suprême de pigeon qui réussit à être cuit parfaitement rosé tout en étant laqué à l'extérieur. Cela explique ma photo un peu bancale. Il a fallu que je la prenne de biais car ça brillait trop. Je présume que le jus de laquage est le jus du pigeon très concentré. On a dû lui ajouter un peu de jus d'agrume car il y a de la fraîcheur. Ou peut-être est-ce juste le zeste de combava rapé au dessus du plat (les p'tits copeaux verts). Les légumes qui l'accompagnent sont mi-cuits, ce qui leur donne du croquant contrastant avec la chair fondante du pigeon. Comme depuis le début, l'assaisonnement est parfait. On est là encore sans problème au niveau d'un restau étoilé.
L'accord avec le Domaine des Tours 2011 était "top slurp" pour reprendre l'expression du trop tôt disparu Estèbe. Sa robe rouge cerise translucide évoquait plus un pinot bourguignon qu'un Rhône. Le nez qui réussissait à être à la fois délicat et très expressif faisait très "Reynaud" : fruits rouges (cerise, framboise, fraise), rose, tabac, épices (poivre gris). La bouche était très aérienne, avec des tannins soyeux, limite arachnéens, tout en étant d'une belle intensité aromatique. Une fine acidité tendait l'ensemble qui ne présentait aucun creux. La finale épicée/fruitée/fumée n'était pas d'une longueur phénoménale, mais je l'ai bien trouvée équilibrée, sans côté alcooleux. Bref, un très beau vin au rapport qualité/prix phénoménal lorsqu'on l'achète à la propriété (9 €).
Nous avons poursuivi avec un tout aussi phénoménal Coulommiers truffé. Jusque là, èje n'ai jamais été hyper convaincu par les fromages agrémenté de truffe, mais dans ce cas précis, c'est vraiment de la bombe. Fromage et champignon ne font plus qu'un qu'il devient difficile de les distinguer, et la texture crémeuse est divine. Vraiment waouh ! Pour le coup, le domaine des Tours est un peu à côté de la plaque. Le Haut-Médoc 2006 du Château Belle-Vue s'en sort nettement mieux avec ses arômes tertiaires, même si une belle pièce de boeuf l'aurait plus mis en valeur. Je n'ai pas parlé des feuilles de sucrine, judicieusement servies avec le fromage. Leur croquant contraste avec le crémeux du fromage.
Pour finir, un ananas flambé surmonté d'une crème chiboust caramélisée. Plus un dessert de cuisinier que de pâtissier.. Ca me parle, car je fonctionne aussi comme cela. C'est parfait pour finir car pas trop lourd ni trop sucré, avec le sympathique craquant du caramel. Là dessus, pas de vin : comme on ne pouvait pas cracher, il fallait être rai-son-nable (je n'ai jamais bu autant d'eau au restaurant entre deux petites gorgées de vin).
Même le déca est bon !
Truffes au chocolat et madeleines tièdes pour l'accompagner.
Je m'attendais à un très bon repas. Il fut pour le moins excellent, et à certains moments exceptionnel. Tout cela pour un prix des plus raisonnables : 48 € par personne + 10 € de droit de bouchon. Soit moins de 60 € vins compris (certes, on les bien achetés à un moment). A cela s'ajoute le geste exceptionnel du sommelier de nous offrir une bouteille. Autant dire que j'ai rarement vécu un tel moment gastronomique pour un coût aussi peu élevé. Il est donc probable que nous y revenions régulièrement en espérant revivre une expérience du même niveau.
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Philippe Redon, 14 rue Adrien Dubouché 87000 Limoges
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