Magazine Société

Madame St-Clair, reine de la pègre new-yorkaise

Publié le 19 février 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Bien que petite fille au tempérament certain, rien ne laissait présager que Stéphanie St-Clair deviendrait Reine de Harlem. Issue d’une famille martiniquaise, monoparentale comme beaucoup, la jeune fille a très tôt appris le sens du mot labeur. Entre l’école à qui sa mère vouait un culte sans pareil et son travail de bonne chez la famille Verneuil, la vie déjà ne l’a pas gâté. Aussi avec ses atlas pour échappatoire, elle rêve déjà, curieuse, d’un ailleurs trépidant et plus tendre avec elle comme le répétait sans cesse l’exemple maternel. A la mort de cette dernière, l’exploration des contrées plus propice à la réussite devient évidente. Pas de suspens, on rentre dans le vif du sujet dès la première page avec l’arrivée de Stéphanie St-Clair dans le Nouveau Monde en 1912. Le parti pris de l’auteur de nous faire voyager du présent (ndlr: de narration) au passé, et inversement, nous aide à comprendre la vie de la septuagénaire au gré des souvenirs qu’elle relate à son petit-fils. Ainsi l’on découvre une progression romanesque captivante des pérégrinations de cette Française noire débarquée de manière hasardeuse aux États-Unis sans un sou en poche. Madame St-Clair, désormais surnommée "Madame Queen" ou "Queenie", dévoile son visage de femme gangster impitoyable pour survivre dans la jungle du ghetto new-yorkais. A force de malice, elle prend rapidement la tête de la loterie clandestine à Harlem, et devient la première femme noire de pouvoir dans le milieu machiste et implacable de la pègre; déjouant avec une chance quasi surnaturelle les filets des mafias irlandaises, italiennes, du syndicat du crime et même de la New York Police Department. Le lecteur, en première loge de son développement, évolue en même temps que le protagoniste principal; tout d’abord à travers une progression de langage perceptible liée à son apprentissage de l’anglais, mais aussi la maturation de son statut de femme affirmé et combattante, et les rites de passage de la misère à la vie mondaine. Cette proximité en fait une complice, une amie à qui l’on pardonne ses nombreuses cruautés au regard de ce que la vie lui a infligé jusque-là. On l’excuserait presque et sa ténacité force l’admiration. Elle traverse non sans peine la première guerre mondiale, la prohibition, la grande dépression de 1929, la deuxième guerre mondiale, ou encore les premières émeutes raciales de Harlem; faisant ainsi d’elle une figure féministe et militante évidente. Les tableaux d’époque mythiques que l’on reconnait aux films de gangsters américains illustrant entre autres Al Capone, Lucky Luciano, et Dutch Schultz sont intéressants pour comprendre le fonctionnement de ces sociétés de l’ombre. Et les références aux figures de proue du mouvement des droits civiques et les intellectuels de la Black renaissance, tels que William Edward Burghardt Du Bois et Marcus Garvey, sont plaisants. Aussi, le discours dans un français créolisé n’est pas sans rappeler les origines du personnage principal, de l’auteur lui-même, et de quelques subtilités du créole martiniquais, qui donne par ailleurs tout son charme au récit. Somme toute un tableau sombre mais épique, qui se laisse dévorer page après page.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Podcastjournal 108031 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine