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entre deux néants

Par Jmlire

entre deux néants

"... Au terme du voyage, Ati retrouva Toz dans une vaste salle vide. Celui-ci lui en expliqua la symbolique : Ati était entré dans le musée par une pièce vide, il en ressortait par une pièce vide, c'était l'image de la vie prise entre deux néants, le néant d'avant la création et le néant d'après la mort. La vie est contrainte aux bornes, elle ne dispose que de son temps, bref, découpé en tranches sans liens entre elles sinon ceux que l'homme trimbale en lui d'un bout à l'autre du bail, des souvenirs incertains de ce qui fut et des attentes vagues de ce qui sera. Le passage de l'une à l'autre n'est pas explicité, c'est le mystère, un jour le beau bébé dormeur invétéré disparaît, chose qui n'alarme personne, et un petit enfant turbulent et curieux, un farfadet, apparait à la place, ce qui ne surprend guère la maman qui se retrouve avec deux seins lourds inutiles. Plus avant interviendront d'autres substitutions aussi subreptices, un bonhomme épaissi et soucieux remplacera au pied levé le jeune homme svelte et souriant qui se tenait là, et à son tour par on ne sait quel tour de passe-passe le bougre migraineux cèdera le siège à un homme voûté et taciturne. C'est à la fin qu'on s'étonne, quand un mort encore tout chaud remplace subitement le vieillard mutique,et froid cloué dans sa chaise devant la fenêtre. C'est la transformation de trop, parfois bienvenue cependant.

" La vie passe si vite qu'on ne voit rien", se dira-t-on sur le chemin du cimetière..."

Boualem Sansal : extrait de "2084, la fin du monde" Gallimard 2015

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