Crédit : marchés boursiers par Shutterstock Dressons d’abord un premier constat : Oui, la croissance chinoise ralentit. Le rythme de 10% de croissance annuelle qu’a connu le pays en moyenne depuis 30 ans n’est plus tenable. Il faudra désormais tabler sur une croissance proche de 6.5% pour les années à venir. Ceci s’explique notamment par le fort ralentissement de l’activité manufacturière dû au ralentissement des exportations qui n’est pas encore compensé par le relais de la demande domestique. Ce ralentissement fait resurgir les craintes d’un « hard landing » de la croissance chinoise et alimente la fuite des capitaux. Ce qui contraint la Banque Centrale chinoise à vendre massivement ses réserves de change afin de ne pas voir le Yuan se déprécier trop rapidement.
Oui, l’offre de pétrole est pléthorique par rapport à la demande. Les membres de l’OPEP ne parviennent pas à se mettre d’accord pour réduire conjointement leur production et les discussions en coulisse avec les pays non membres de l’OPEP restent encore infructueuses. La large majorité du pétrole actuellement produit s’écoule à pertes. Et à défaut de pouvoir puiser dans leurs revenus pétroliers, les pays producteurs puisent désormais massivement, elles aussi, dans leurs réserves de change.
Non, le ralentissement de la croissance chinoise ne mettra pas à mal à lui seul la croissance économique mondiale. Si la croissance chinoise venait à atteindre 5% en 2016 au lieu des 6.3% actuellement attendus par le FMI, l’impact direct sur la croissance mondiale serait de 0.2%. L’impact indirect serait du même ordre de grandeur. Un choc potentiellement absorbable au regard des 3.4% de croissance mondiale attendus en 2016 par le FMI. Non, la faiblesse des prix du pétrole n’est pas un facteur négatif pour l’économie mondiale. Le FMI explique dans sa dernière note que la baisse du brut devrait « soutenir la demande mondiale étant donné que la propension à dépenser est plus élevée dans les pays importateurs de pétrole que dans les pays exportateurs ». Certes, plusieurs facteurs atténuent ces effets positifs. On peut notamment citer la faiblesse de la demande intérieure des pays exportateurs et la baisse de l’investissement dans le secteur pétrolier, mais la somme des effets reste néanmoins positive. En définitive, une révision à la baisse des perspectives de croissance mondiale est possible, mais dans des proportions qui resteront raisonnables.
Non. La logique voudrait que seules les valeurs fortement exposées à la croissance chinoise ainsi que les valeurs pétrolières soient affectées par un tel environnement. Pourtant la correction est généralisée. Comment justifier, par exemple, que certaines compagnies aériennes low cost, n’opérant qu’en Europe, qui ne sont donc pas affectées par le ralentissement chinois et qui profitent de surcroît de la baisse des prix du baril, puissent baisser davantage que le marché depuis le début de l’année ?
Ou encore, comment justifier la baisse de plus de 30% de l’ensemble du secteur bancaire depuis deux mois ? Certes tout n’est pas rose pour les banques en ce moment : l’environnement de taux bas ne leur facilite pas la tâche et la solidité financière de certaines banques italiennes est remise en doute. A cela viennent s’ajouter des craintes parfois démesurées sur de potentiels défauts d’emprunts accordés aux sociétés pétrolières. Pour rassurer les marchés, BNP Paribas, première banque française à publier ses résultats annuels, a dû par exemple s’employer à donner le détail de son exposition au secteur pétrolier et gazier : 256 millions d’euros de créances douteuses, soit 0.013% de son Bilan, ou moins de 4% de son résultat 2015. D’autres banques sont nettement plus exposées et d’autres provisions pourraient être passées si les prix du pétrole venaient à rester déprimés. Mais l’ensemble de ces éléments justifie-il vraiment la destruction de près du tiers de la valeur des actions du secteur ?
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Ce n’est donc pas l’arrivée massive de flux vendeurs qui justifie la baisse généralisée des marchés actions. Preuve en est, les volumes actuels sont deux fois inférieurs aux volumes que nous avons connus durant l’été 2011, au plus fort de la crise sur les dettes souveraines européennes. De plus, l’assèchement des liquidités lié à la baisse des réserves de change et aux ajustements des fonds souverains est plus que compensé par l’accroissement des bilans des banques centrales des pays développés. En définitive, si nous remettons les pieds sur terre, nous pouvons constater que ni les fondamentaux économiques, ni d’éventuels flux vendeurs massifs venus de l’étranger ne peuvent justifier la récente correction des marchés. Alors à qui la faute ? A la spirale anxiogène dans laquelle nous, investisseurs, sommes entrés en décembre dernier. Sortir de ce pessimisme ambiant ne sera pas chose aisée. Il faudra probablement attendre une baisse concertée de la production mondiale de pétrole ou, à défaut, un sursaut naturel des investisseurs.
Il serait temps pourtant de cesser de voir le verre à moitié vide ! D’autant plus qu’il est davantage rempli qu’il n’y paraît : l’alignement des planètes (le fameux triptyque : politique monétaire accommodante, faible prix des matières premières et euro faible) constitue toujours un soutien de poids à l’économie de la Zone Euro, qui affiche une croissance de 1.5% au quatrième trimestre 2015 (sur un an glissant). Tandis qu’aux Etats-Unis, les fondamentaux économiques sont solides et les derniers chiffres de la croissance américaine restent satisfaisants (+1.8% au quatrième trimestre sur un an glissant). La consommation des ménages est robuste (+2.6%) et le taux de chômage continue de se résorber (4.9% en décembre).
Par ailleurs, la situation d’excès d’offre sur le pétrole, qui inquiète tant les marchés depuis cinq mois, n’est pas durable. Une issue favorable est inéluctable, ce n’est qu’une question de temps avant de voir les cours du baril remonter. Et les premières tractations entre les différents pays producteurs, même si elles n’ont pas encore porté leurs fruits, ont déjà débuté. Ne nous perdons pas dans une spirale négative que ni les fondamentaux économiques, ni les dynamiques de flux sont en mesure de justifier. Le réalisme finira tôt ou tard par reprendre ses droits sur le pessimisme ambiant. Chaque jour qui passe nous rapproche de la fin de cette folie passagère.
A propos de l'auteur : Dylan Baron est gérant actions chez Quilvest Asset Management France S.A.